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joie par le plaisir de la vengeance que je goûtais pleinement, et néanmoins ma gloire était blessée de voir mépriser un homme que j'adorais.

Je résolus d'avouer à Zayde l'état de mon coeur, et, devant que de le faire, je la pressai d'examiner avec elle-même si elle était capable de résister toujours au dessein qu'avait Zuléma de lui faire épouser Alamir. Elle me dit qu'il n'y avait point d'extrémité où elle ne se portât plutôt que de se résoudre à épouser un homme d'une religion si opposée à la sienne, et dont la loi permettait de prendre autant de femmes qu'on en trouvait d'agréable, mais qu'elle ne croyait pas que Zuléma la voulût contraindre, et que, quand il le voudrait, Alasinthe trouverait les moyens de l'en empêcher. Ce que me dit Zayde, me donna toute la joie dont j'étais capable, et je commençai à lui vouloir dire ce que j'avais résolu de lui avouer, mais j'y trouvai plus de peine et plus d'embarras que, je ne l'avais pensé. Enfin, je surmontai tous les mouvements d'orgueil et de honte qui s'opposaient à ma résolution, et je lui appris avec beaucoup de larmes l'état où j'étais. Elle en fut dans un étonnement extrême, et me parut aussi touchée de mon malheur que je le pouvais désirer. Mais pourquoi, me dit-elle, avez-vous caché si soigneusement vos sentiments à celui qui les a fait naître ? Je ne doute point que, s'il les avait découverts d'abord, il ne vous eût aimée, et je crois que, s'il en savait quelque chose, l'espérance d'être aimé de vous et les traitements qu'il reçoit de moi, l'obligeraient bientôt à me quitter. Ne voulez-vous point, ajouta-t-elle en m'embrassant, que j'essaye à lui faire entendre qu'il