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raison aurait été inutile, si les soins que je lui voyais quelquefois pour Zayde, n'eussent aidé à me retenir. Je n'attribuais pourtant qu'à une politesse naturelle ce qu'il faisait pour lui plaire, et son adresse savait me cacher ce qui m'aurait pu donner d'autres pensées.

Nous fûmes averties que l'armée navale de l'empereur était proche de nos côtes. Alamir persuada Alasinthe et Bélénie de quitter le lieu où nous étions, et, quoique notre religion ne nous fît pas appréhender les troupes de l'empereur, l'alliance que nous avions avec les Arabes et les désordres que cause la guerre, nous obligèrent à suivre le conseil d'Alamir et d'aller à Famago[u]ste. J'en eus de la joie, parce que je pensai que je serais dans le même lieu qu'Alamir, et que Zayde et moi ne serions plus logées ensemble. Sa beauté m'était si redoutable, que j'étais bien aise qu'Alamir me vît sans la voir. Je crus que je m'assurerais entièrement des sentiments qu'il avait pour moi, et que je verrais si je devais m'abandonner à ceux que j'avais pour lui, mais il y avait déjà longtemps qu'il n'était plus en mon pouvoir de disposer de mon coeur. Je suis néanmoins persuadée que, si j'eusse eu alors la même connaissance de l'humeur d'Alamir, que celle que j'ai eue depuis, j'aurais pu me défendre de l'inclination qui m'entraînait vers lui, mais comme je ne connaissais que les qualités agréables de son esprit et de sa personne, et qu'il paraissait attaché à moi, il était difficile de résister à cette inclination qui était si violente et si naturelle.

Le jour que nous arrivâmes à Famagouste, il vint au-devant de nous. Zayde était ce jour-là d'une beauté