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faire entendre. Il craignit néanmoins de perdre une occasion qu'il avait tant souhaitée, et, après avoir admiré quelque temps la bizarrerie de leur aventure, d'avoir été si longtemps ensemble sans se connaître et sans se parler :

— Nous sommes bien éloignés, dit Zayde, de retomber dans le même embarras, puisque j'entends la langue espagnole et que vous entendez la mienne.

— Je m'étais trouvé si malheureux de ne la pas entendre, répondit Consalve, que je, l'ai apprise sans espérer même qu'elle pût me servir à réparer ce que j'avais souffert de ne la pas savoir.

— Pour moi, reprit Zayde en rougissant, j'ai appris l'espagnol, parce qu'il est difficile de n'apprendre pas la langue du pays où l'on demeure et que l'on est dans une peine continuelle lorsqu'on ne peut se faire entendre.

— Je vous entendais souvent, madame, répliqua Consalve, et quoique je ne susse pas votre langue, il y a eu bien des heures où j'aurais pu rendre un compte exact de vos sentiments, et je suis persuadé que vous voyiez encore mieux les miens que je ne voyais les vôtres.

— Je vous assure, répondit Zayde, que je suis moins habile que vous ne pensez et que, tout ce que j'ai pu juger, c est que vous aviez quelquefois beaucoup de tristesse.

— Je vous en disais la cause, répondit Consalve, et je crois que, sans savoir ce que signifiaient mes paroles, vous n'avez pas laissé de m'entendre. Ne vous en défendez point, madame ; vous m'avez répondu, sans me parler, avec une sévérité dont vous devez être satisfaite, mais, puisque j'ai pu connaître votre indifférence, comment n'auriez-vous pas connu des sentiments qui paraissent plus aisément que l'indifférence et qui s'expliquent souvent