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je m'imaginai que Bélasire l'aimait, qu'il était là pour lui parler, qu'elle ouvrait ses fenêtres pour lui ; je crus enfin que c'était don Manrique qui m'ôtait Bélasire. Dans le transport qui me saisit, je mis l'épée à la main ; nous commençâmes à nous battre avec beaucoup d'ardeur ; je sentis que je l'avais blessé en deux endroits, mais il se défendait toujours. Au bruit de nos épées, ou par des ordres de Bélasire, on sortit de chez elle pour nous venir séparer. Don Manrique me reconnut à la lueur des flambeaux, il recula quelques pas, je m'avançai pour arracher son épée, mais il la baissa et me dit d'une voix faible :

— Est-ce vous, Alphonse ? Et est-il possible que j'aie été assez malheureux pour me battre contre vous ?

— Oui, traître, lui dis-je, et c'est moi qui t'arracherai la vie, puisque tu m'ôtes Bélasire et que tu passes les nuits à ses fenêtres pendant qu'elles me sont fermées. Don Manrique, qui était appuyé contre une muraille, et que quelques personnes soutenaient, parce qu'on voyait bien qu'il n'en pouvait plus, me regarda avec des yeux trempés de larmes.

— Je suis bien malheureux, me dit-il, de vous donner toujours de l'inquiétude ; la cruauté de ma destinée me console de la perte de la vie que vous m'ôtez ! Je me meurs, ajouta-t-il, et l'état où je suis, vous doit persuader de la vérité de mes paroles. Je vous jure que je n'ai jamais eu de pensée pour Bélasire qui vous ait pu déplaire ; l'amour que j'ai pour une autre, et que je ne vous ai pas caché, m'a fait sortir cette nuit ; j'ai cru être épié, j'ai cru être suivi, j'ai marché fort vite, j'ai tourné dans plusieurs rues, enfin je me suis arrêté où vous m'avez trouvé, sans savoir que ce