Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée

Manrique ? Vous suivez simplement votre inclination en le traitant comme vous faites ? Ce n'est pas pour me donner du soupçon que vous avez cessé de lui parler bas ou que vous avez changé de discours, quand je me suis approché de vous ? Ah ! madame, si cela est, je suis bien plus malheureux que je ne pense et je suis même le plus malheureux homme du monde. Vous n'êtes pas le plus malheureux homme du monde, reprit Bélasire, mais vous êtes le plus déraisonnable, et, si je suivais ma raison, je romprais avec vous et je ne vous verrais de ma vie.

— Mais est-il possible, Alphonse, ajouta-t-elle, que vous soyez jaloux de don Manrique ?

— Et comment ne le serais-je pas, madame, lui dis-je, quand je vois que vous avez avec lui une intelligence que vous me cachez ?

— Je vous la cache, me répondit-elle, parce que vous vous offensâtes, lorsque je lui parlai de votre bizarrerie, et que je n'ai pas voulu que vous vissiez que je lui parlais encore de vos chagrins et de la peine que j'en souffre.

— Quoi ! madame, repris-je, vous vous plaignez de mon humeur à mon rival et vous trouverez que j'ai tort d'être jaloux ?

— Je m'en plains à votre ami, répliqua-t-elle, mais non pas à votre rival.

— Don Manrique est mon rival, repartis-je, et je ne crois pas que vous puissiez vous défendre de l'avouer.

— Et moi, dit-elle, je ne crois pas que vous m'osiez dire qu'il le soit, sachant, comme vous faites, qu'il passe des jours entiers à ne me parler que de vous.

— Il est vrai, lui dis-je, que je ne soupçonne pas don Manrique de travailler à me détruire, mais cela n'empêche pas qu'il ne vous aime, je crois même qu'il ne le dit pas encore, mais, de la manière dont vous