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car, si je l'avais aimé, mes parents voulaient notre mariage, et rien ne s'y opposait.

— Il est vrai, madame, lui répondis-je, je suis jaloux d'un mort et c'est ce qui me désespère. Si le comte de Lare était vivant, je jugerais par la manière dont vous seriez ensemble, de celle dont vous y auriez été, et ce que vous faites pour moi me convaincrait que vous ne l'aimeriez pas. J'aurais le plaisir en vous épousant de lui ôter l'espérance que vous lui aviez donnée, quoi que vous me puissiez dire, mais il est mort, et il est peut-être mort persuadé que vous l'auriez aimé, s'il avait vécu. Ah ! madame, je ne saurais être heureux toutes les fois que je penserais qu'un autre que moi a pu se flatter d'être aimé de vous.

— Mais, Alphonse, me dit-elle encore, si je l'avais aimé, pourquoi ne l'aurais-je pas épousé?

— Parce que vous ne l'avez pas assez aimé, madame, lui répliquai-je, et que la répugnance que vous aviez au mariage ne pouvait être surmontée par une inclination médiocre. Je sais bien que vous m'aimez davantage que vous n'avez aimé le comte de Lare, mais, pour peu que vous l'ayez aimé, tout mon bonheur est détruit, je ne suis plus le seul homme qui vous ait plu, je ne suis plus le premier qui vous ait fait connaître l'amour, votre coeur a été touché par d'autres sentiments que ceux que je lui ai donnés. Enfin, madame, ce n'est plus ce qui m'avait rendu le plus heureux homme du monde, et vous ne me paraissez plus du même prix dont je vous ai trouvée d'abord.

— Mais, Alphonse, me dit-elle, comment avez-vous pu vivre en repos avec celles que vous avez aimées ? Je voudrais bien savoir si vous avez trouvé en