Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/221

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moi tout différent de celui des autres femmes, et j'y trouvai quelque chose de si noble et de si sincère que j'en fus surpris. Elle ne demeura pas longtemps sans m'avouer l'inclination qu'elle avait pour moi, elle m'apprit ensuite le progrès que je faisais dans son coeur, mais, comme elle ne me cachait point ce qui m'était avantageux, elle m'apprenait aussi ce qui ne m'était pas favorable. Elle me dit qu'elle ne croyait pas que je l'aimasse véritablement et que tant qu'elle ne serait pas mieux persuadée de mon amour, elle ne consentirait jamais à m'épouser. Je ne vous saurais exprimer la joie que je trouvais à toucher ce coeur qui n'avait jamais été touché, et à voir l'embarras et le trouble qu'y apportait une passion qui lui était inconnue. Quel charme c'était pour moi de connaître l'étonnement qu'avait Bélasire de n'être plus maîtresse d'elle-même et de se trouver des sentiments sur quoi elle n'avait point de pouvoir ! Je goûtai des délices dans ces commencements que je n'avais pas imaginées, et, qui n'a point senti le plaisir de donner une violente passion à une personne qui n'en a jamais eu, même de médiocre, peut dire qu'il ignore les véritables plaisirs de l'amour. Si j'eus de sensibles joies par la connaissance de l'inclination que Bélasire avait pour moi, j'eus aussi de cruels chagrins par le doute où elle était de ma passion et par l'impossibilité qui me paraissait à l'en persuader. Lorsque cette pensée me donnait de l'inquiétude, je rappelais les sentiments que j'avais eus sur le mariage, je trouvais que j'allais tomber dans les malheurs que j'avais tant appréhendés, je pensais que j'aurais la douleur de ne pouvoir assurer Bélasire de