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ce que j'en avais pensé. Je lui dis que j'avais de la honte de ne la connaître pas encore ; que néanmoins je serais bien aise de ne la pas connaître davantage ; que je n'ignorais pas combien il était inutile de songer à lui plaire, et combien il était difficile de se garantir de le désirer. J'ajoutai que, quelque difficulté qu'il y eût à toucher son coeur, je ne pourrais m'empêcher d'en former le dessein, si elle cessait d'être belle, mais que, tant qu'elle serait comme je la voyais, je n'y penserais de ma vie, que je la suppliais même de m'assurer qu'il était impossible de se faire aimer d'elle, de peur qu'une fausse espérance ne me fit changer la résolution que j'avais prise de ne m'attacher jamais à une belle femme. Cette conversation, qui avait quelque chose d'extraordinaire, plut à Bélasire ; elle parla de moi assez favorablement, et je parlai d'elle comme d'une personne en qui je trouvais un mérite et un agrément au-dessus des autres femmes. Je m'enquis, avec plus de soin que je n'avais fait, qui étaient ceux qui s'étaient attachés à elle. On me dit que le comte de Lare l'avait passionnément aimée, que cette passion avait duré longtemps, qu'il avait été tué à l'armée et qu'il s'était précipité dans le péril après avoir perdu l'espérance de l'épouser. On me dit aussi que plusieurs autres personnes avaient essayé de lui plaire, mais inutilement, et que l'on n'y pensait plus parce qu'on croyait impossible d'y réussir. Cette impossibilité dont on me parlait me fit imaginer quelque plaisir à la surmonter. Je n'en fis pas néanmoins le dessein, mais je vis Bélasire le plus souvent qu'il me fut possible, et comme la cour de Navarre