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elle écrit, et je me trouverais heureux, si j'avais sur ce que je viens de voir l'incertitude dont je me plains comme du plus grand de tous les maux. Alphonse lui dit encore tant de raisons pour lui persuader que son inquiétude était mal fondée, qu'enfin il le rassura en quelque sorte, et Zayde qu'ils trouvèrent en allant se promener, acheva de le remettre. Elle les vit de loin, et s'approcha d'eux avec tant de douceur, et avec des regards si obligeants pour Consalve, qu'elle dissipa une partie des cruelles inquiétudes qu'elle lui venait de donner.

Le temps qu'il avait marqué à cette belle étrangère pour son départ, et qui était celui que les grands vaisseaux partaient de Tarragone pour l'Afrique, commençait à s'approcher et lui donnait une tristesse mortelle. Il ne pouvait se résoudre à se priver lui-même de Zayde, et, quelque injustice qu'il trouvât à la retenir, il fallait toute sa raison et toute sa vertu pour l'en empêcher.

— Quoi ! disait-il à Alphonse, je me priverai pour jamais de Zayde ! Ce sera un adieu sans espérance de retour ! Je ne saurai en quel endroit de la terre la chercher ! Elle veut aller en Afrique, mais elle n'est pas Africaine, et j'ignore quel lieu du monde l'a vue naître. Je la suivrai, Alphonse, continua-t-il, quoiqu'en la suivant je n'espère plus le plaisir de la voir, quoique je sache que sa vertu et les coutumes de l'Afrique ne me permettront pas de demeurer auprès d'elle, j'irai au moins finir ma triste vie dans les lieux qu'elle habitera, et je trouverai de la douceur à respirer le même air ; aussi bien je suis un malheureux qui n'ai plus de patrie ; le hasard m'a retenu ici, et l'amour m'en fera sortir.