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fâché Zayde, il ne laissa pas d'avoir une joie sensible de lui voir effacer celui qu'il en croyait aimé. Encore qu'il pût s'imaginer que cette action de Zayde fût plutôt un effet de sa fierté qu'une preuve qu'elle ne regrettait personne, il trouvait néanmoins qu'après l'amour qu'il lui avait témoigné, elle lui faisait une faveur de ne vouloir pas lui laisser croire qu'elle en aimât un autre, mais le peu d'espérance que lui donnait cette pensée, ne pouvait détruire tant de sujets de crainte qu'il croyait avoir.

Alphonse, qui n'était prévenu d'aucune passion, jugeait des sentiments de cette belle étrangère d'une manière bien différente de Consalve :

— Je trouve, lui disait-il, que vous avez tort de vous croire malheureux, vous l'êtes sans doute de vous être attaché à une personne que vraisemblablement vous ne pouvez épouser mais vous ne l'êtes pas de la manière dont vous croyez l'être, et les apparences sont trompeuses, si vous n'êtes véritablement aimé de Zayde.

— Il est vrai, répondit Consalve, que, si je jugeais de ses sentiments par ses regards, je pourrais me flatter de quelque espérance, mais, comme je vous l'ai dit, elle ne me regarde que par cette ressemblance qui me donne tant de jalousie.

— Je ne sais, répliqua Alphonse, si tout ce que vous pensez est véritable, mais, si j'étais à la place de celui que vous croyez qu'elle regrette, je ne serais pas satisfait que ma ressemblance fît regarder quelqu'un avec des yeux si favorables, et il est impossible que l'idée d'un autre produise des sentiments que Zayde a pour vous. L'espérance est naturelle aux amants. Si quelques actions de Zayde en avaient déjà fait concevoir à Consalve,