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on est bien amoureux. Vous le voyez par votre expérience, faites réflexion sur la douleur que vous donnent les pleurs de Zayde et remarquez comme la jalousie vous a fait imaginer qu'elle pleure un amant plutôt qu'un frère.

— Je ne suis que trop persuadé, reprit Consalve, que j'aime beaucoup plus Zayde que je n'ai aimé Nugna Bella. L'ambition de cette dernière et son application aux affaires du prince ont souvent ralenti mon amour, et tout ce que je trouve en Zayde d'opposé à mon humeur comme de croire qu'elle en aime un autre et de ne connaître ni son coeur ni ses sentiments, ne peut affaiblir ma passion. Mais, Alphonse, pour aimer beaucoup davantage Zayde que je n'ai aimé Nugna Bella, je n'en suis que plus déraisonnable. Le succès de l'amour que j'ai eu pour Nugna Bella a été cruel, je l'avoue ; néanmoins tout homme qui aime peut en avoir un pareil. Il n'y avait point d'aveuglement à l'aimer ; je la connaissais, elle n'en aimait point d'autre, je lui plaisais, je pouvais l'épouser, mais Zayde, Alphonse, mais Zayde, qui est-elle ? Qu'en puis-je prétendre ? Et, hormis son admirable beauté qui m'excuse, tout le reste ne me condamne-t-il pas ?

Consalve avait souvent de pareilles conversations avec Alphonse ; cependant son amour augmentait tous les jours, il ne pouvait s'empêcher de laisser parler ses yeux d'une manière si forte, qu'il croyait voir dans ceux de Zayde que leur langage était entendu, et il la trouvait quelquefois dans un certain embarras qui ne l'en laissait pas douter. Comme elle ne pouvait se faire entendre par ses paroles, ce n'était quasi que par ses regards qu'elle expliquait à Consalve une partie des