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aussi amoureux que vous me le paraissez, trouve toujours de la douceur à parler de son amour, et quoique votre mal soit grand, peut être que mon secours et mes conseils ne vous seront pas inutiles.

— Ah ! mon cher Alphonse, s'écria Consalve, que je suis malheureux ! Que je suis faible ! Que je suis désespéré! Et que vous êtes sage d'avoir vu Zayde et de ne l'avoir pas aimée !

— J'avais bien jugé, reprit Alphonse, que vous l'aimiez, vous ne voulûtes pas me l'avouer.

— Je ne le savais pas moi-même, interrompit Consalve, la jalousie seule m'a fait sentir que j'étais amoureux. Zayde pleure quelque amant qui a fait naufrage ; c'est ce qui la mène tous les jours sur le bord de la mer ; elle va pleurer au même lieu où elle croit que cet amant a péri ; enfin, j'aime Zayde et Zayde en aime un autre, et c'est de tous les malheurs celui qui m'a paru le plus redoutable et celui dont je me croyais le plus éloigné. Je m'étais flatté que ce n'était peut être pas un amant que Zayde regrettait, mais je la trouve trop affligée pour en douter ; j'en suis encore persuadé par le soin que je lui ai vu de chercher quelque chose qui vient sans doute de ce bienheureux amant, et, ce qui me paraît plus cruel que tout ce que je viens de vous dire, je ressemble, Alphonse, à celui qu'elle aime. Elle s'en est aperçue en se promenant ; j'ai remarqué de la joie dans ses yeux de voir quelque chose qui l'en fit souvenir. Elle m'a montré vingt fois à Félime, elle lui a fait considérer tous mes traits enfin elle m'a regardé tout le jour, mais ce n'est pas moi qu'elle voit ni à qui elle pense. Quand elle me regarde, je la fais souvenir de la seule chose que je voudrais lui faire oublier ;