Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/133

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Cependant la parole ne revenait point à cette étrangère. Consalve, jugeant qu'elle serait peut être encore longtemps dans le même état, se retira dans sa chambre. Il ne se put empêcher de faire réflexion sur son aventure. J'admire, disait il, que la fortune m'ait fait rencontrer une femme dans le seul état où je ne pouvais la fuir et où la compassion m'engage au contraire à en avoir soin. J'ai même de l'admiration pour sa beauté, mais, sitôt qu'elle sera guérie, je ne regarderai ses charmes que comme une chose dont elle ne se servira que pour faire plus de trahisons et plus de misérables. Qu'elle en fera, grands dieux ! Et qu'elle en a peut être déjà fait ! Quels yeux ! Quels regards ! Que je plains ceux qui peuvent en être touchés ! Et que je suis heureux, dans mon malheur, que la cruelle expérience que j'ai faite de l'infidélité des femmes me garantisse d'en aimer jamais aucune ! Après ces paroles, il eut quelque peine à s'endormir, et son sommeil ne fut pas long ; il alla voir en quel état était l'étrangère ; il la trouva beaucoup mieux, mais néanmoins elle ne parlait point encore, et la nuit et le jour suivant se passèrent sans quelle prononçât une seule parole. Alphonse ne put s'empêcher de faire voir à Consalve qu'il remarquait avec étonnement le soin qu'il avait d'elle. Consalve commença à s'en étonner lui-même, il s'aperçut qu'il lui était impossible de s'éloigner de cette belle personne, il croyait toujours qu'il arriverait quelque changement considérable à son mal pendant qu'il ne serait pas auprès d'elle. Comme il y était, elle prononça quelques paroles, il en sentit de la joie et du trouble. Il s'approcha pour entendre ce qu'elle