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de mes enfants. Il fallait aussi manger ; il était tard et je n’osais rien demander à ces bonnes gens, parce que je craignais de les embarrasser davantage. Je dis à Saint-Jean de tâcher de nous procurer du pain, du vin, des œufs, enfin de quoi souper. Alors notre hôte vint à moi et me dit : « Quoi ! vous n’aviez presque rien mangé de la journée, que ne le disiez-vous ? Ma femme va vous faire de la soupe, une omelette, nous vous donnerons tout ce que nous avons chez nous. Ces pauvres enfants doivent avoir bien faim. Vous êtes sans doute de ces Français malheureux qui sont chassés de leur patrie. Ne craignez pas de me le dire. Ah ! je vous plains sincèrement(10). » Nous dormîmes. Quelques heures avant le jour, il fallut songer à faire sortir nos effets du yacht, pour les transporter sur le coche d’eau de Mayence qui part tous les jours pour Francfort. Nous ne pouvions rester à Mayence. Partout les ordres les plus sévères étaient donnés pour ne recevoir aucun émigré. Nous partîmes de chez notre hôte, mais non sans lui donner les témoignages de notre vive reconnaissance. Il ne voulait recevoir aucun paiement.

Nous voilà donc dans ce malheureux coche, confondus avec des gens de toute espèce, juifs en