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dîner se servit : un maigre potage, trois tranches de jambon bien minces qui ne pouvaient donner qu’une bouchée à chacun. Puis vint, pour remplacer le potage, un mauvais et petit bouilli. Me réservant pour la carpe je refusai de manger de ces mets, qui furent relevés par un dindon étique qu’on ne pouvait s’arracher des dents ; un dindon au mois de mai ne peut être un bon morceau. Je disais en refusant tout : « J’attends la carpe. » Mais le pauvre dessert arriva et anéantit alors toutes les espérances. J’avoue que j’étais confondue. Mais je me dédommageai de cette mystification par mille plaisanteries. Mme de Pestalozzi me lançait des regards terribles ; son mari ainsi que le mien riaient sous cape. Le café pris, je songeais à me retirer (il fallait aller me restaurer chez moi). Quel fut mon étonnement lorsqu’on nous apporta à chacun la carte de notre dépense qui montait à six francs par tête. La figure des convives en cherchant leur bourse pour payer était vraiment à peindre. Les compliments ne furent pas longs en quittant le baron. On m’accompagna chez moi, excepté lui, et là nous convînmes de tromper notre société, en lui faisant croire que notre dîner avait été un repas splendide. Le baron Du Bourg, me sachant chez moi, vint en toute hâte. Je soutins mon rôle, me plaignis