Page:La Fare - Mémoires de Madame la Comtesse de la Bouquetière de Saint-Mars, 1884.djvu/49

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour émigrer et fournir aux frais de leur armement. C’était le véritable esprit de la chevalerie qui les animait, et jamais entreprise ne le fut sous de meilleurs auspices. Le roi de Prusse vint à Trèves, en visita les principaux monuments (c’est une ville très ancienne). Son armée fila vers la France, lui de même, ainsi que les Princes et leur armée[[#ancrage {{{1}}}|{{{1}}}]].

Il ne resta plus à Trèves que les femmes ou les impotents. Mme de Bartillat me donna un appartement chez elle. Elle avait perdu, il y avait trois mois, son mari ; elle ne pouvait se consoler de sa perte ; ma société journalière lui était nécessaire. Elle était extrêmement aimable, pleine d’esprit, un peu romanesque et capricieuse, mais qu’il fallait lui passer pour ses autres bonnes qualités. Je la trouvais souvent livrée à toute sa douleur et enfoncée dans la lecture des tombeaux d’Hervey. Je ne brusquais pas ses idées noires ; j’avais l’air de m’y livrer aussi. Mais peu à peu je l’amenais à un autre sujet, et souvent je réussissais assez bien pour lui donner l’oubli de ses maux et lui faire partager quelques moments de gaieté. Une fois, en revenant de la promenade, où notre entretien n’avait roulé que sur la perte qu’elle avait faite, en poussant un profond soupir, elle me dit : « Quels regrets doivent donner