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marche était accélérée par une lumière éloignée, que de temps en temps nous apercevions. Après avoir fait un demi-quart de lieue, non pas sans quelques cris échappés par la douleur, nous nous trouvâmes tout à coup arrêtés par un gros ruisseau, tout glacé. Comment le passer ? Je ne pouvais m’y hasarder. Dans cette anxiété le bruit d’un cheval se fit entendre. Quel bonheur ! c’était Saint-Jean qui venait à notre rencontre. Il venait d’une maison peu éloignée dans un fond, ce n’était pas celle que la lumière nous indiquait. Saint-Jean repassa le ruisseau et me porta de l’autre côté ; il en fit de même de mes enfants, aida mon mari, et nous voilà avec un moment de tranquillité, pensant que nous allions trouver un toit hospitalier. Nous y arrivâmes tard ; quelle fut notre surprise d’y voir deux jeunes gentilshommes du Nivernais, officiers de cavalerie, qui sortaient de France avec leurs chevaux ! Un souper avait été préparé pour eux et nous en prîmes notre part. Pour les lits, le seul de la maison était celui du maître ; il me le céda. La paille fut la ressource de mes enfants et de mes domestiques. Le lit était dur comme une planche ; je ne pus dormir et le lendemain je m’aperçus que j’étais couverte de poux, heureusement j’avais de quoi changer et je me défis de cette vermine.