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je renvoyai mon cocher avec mes chevaux(5), et je pris la poste. J’arrivai de très bonne heure à Angers, chez Mme Du Pin, la veille de Noël ; j’y passai les trois fêtes. J’y vis, pour la première et dernière fois, ma belle-sœur, Bénigne de Saint-Mars, religieuse à l’abbaye noble du Ronceray. Elle jouissait d’un bénéfice de 2,400 livres, que lui avait résigné sa tante, Mme de Sénonnes. J’y vis beaucoup de monde, entr’autres le marquis de Ruillé, député à l’Assemblée nationale. Nous convînmes de partir le même jour pour Paris, afin de nous prêter également assistance, en cas de besoin. Nous ne fîmes pas longtemps route ensemble ; dès le second jour, il ne put venir coucher au même endroit que moi, sa voiture était plus chargée d’effets. Dans la première soirée je lui parlai politique et je lui demandai si son projet n’était pas d’émigrer. Il me dit que non. Je lui fis quelques observations et voulus lui persuader qu’il courait des risques en restant à Paris. Ma prophétie n’a été que trop véritable. Il fut guillotiné tout des premiers et ses grands biens ont été vendus comme s’il avait émigré. Ainsi son séjour en France, sa fin tragique n’ont pu sauver de leur ruine ses malheureux enfants.