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Partout où le sang coule, où plane la terreur,
Où le trépas répand sa morne et sombre ivresse,
Homme, femme, chacun veut savourer l’horreur ;
La brise des charniers nous flatte et nous caresse.

L’échafaud, le supplice, ont pour nous des appas,
L’amphithéâtre aux yeux donne une joie affreuse,
Et nous aimons à voir serpenter sous nos pas
Des enfers entrevus la lueur sulfureuse.

Nous aimons le naja, le tigre, l’assassin,
Les combats de taureaux, les senteurs de la brise
Glissant sur des poisons, et le souffle malsain
Dont quelque lourd parfum nous enivre et nous grise.

L’homme est un fauve. Il a, caché dans des replis
Qu’il ignore lui-même, un abîme en son âme,
Des crimes monstrueux à toute heure accomplis,
Des désirs de démon que chatouille une flamme.

Ses rêves, qui pourrait jamais les laisser voir ?
Qui voudrait mettre au jour ces larves de pensées
Se tordant sur la vase, au fond de ce lac noir
Où rampent vaguement d’horribles odyssées ?

Nous rêvons la panthère et les gladiateurs,
Le spasme du vaincu sur l’arène brûlante,
Et d’un cirque farouche, idéals spectateurs,
Le flot pourpré teignant la lame étincelante.