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la note américaine et n’avons appris son existence que par un bref télégramme d’une agence japonaise qualifiant cette note « remonstrative interpellation ».

Aujourd’hui, l’Agence Reuter, nous communique le télégramme suivant daté de Tokio, 31 juillet :

On croit que la réponse du Japon à la communication américaine, annonçant qu’il est impossible pour les Etats-Unis de reconnaître l’occupation japonaise du Nord de Sakhaline — serait déjà prête. Cependant, cette réponse avant d’être communiquée sera préalablement soumise à l’examen de la Foreign Affairs Advisory Commission. D’après une source autorisée la réponse répète et souligne l’absence des ambitions territoriales. Une note identique sera envoyée aux autres puissances. »

Bien que d’après Reuter la note américaine n’est pas une « remonstrative interpellation » mais tout simplement une « communication » cela ne diminue nullement sa portée et il n’y a rien d’étonnant si Tokio trouve nécessaire de soigner sa réponse en inventant des arguments plus sérieux que ceux déjà donnés à la Diète Impériale par le Vicomte Uchida à la suite de l’interpellation de M. Hattori.

Le Ministre des Affaires étrangères, répondant à M. Hattori qui, dans un discours éloquent, donnait un avertissement au gouvernement contre le danger de se brouiller avec le peuple russe, n’a trouvé d’autres justifications de l’occupation de Sakhaline que voici :

« M. Hattori a exprimé sa crainte que l’occupation du territoire russe ne provoque un ressentiment indélibile de la Russie.

« Je partage sa crainte, mais je crois qu’il est impossible que le Japon ne fasse rien en vue d’obtenir satisfaction pour le massacre de 700 Japonais, même si l’action du gouvernement japonais donnait lieu au ressentiment des Russes…

« Comme en ce moment il n’y a pas de Gouvernement russe avec lequel le Japon puisse traiter l’affaire de Nicolaïevsk, il n’y a d’autre alternative que celle d’occuper les points nécessaires dans la province de Sakhaline en attendant l’établissement d’un gouvernement légitime.

« L’histoire diplomatique du monde compte beaucoup de précédents lorsque — comme dans le cas actuel — le pays offensé prenait les mesures qu’il trouvait nécessaires. »

Ainsi toute une province est occupée pour faire « quelque chose » en vue d’obtenir satisfaction dans l’affaire de Nicolaïevsk sur laquelle le Japon n’a pas voulu faire toute la lumière, refusant de consentir à l’envoi d’une commission d’enquête qui pourrait établir les responsabilités.

Ensuite, le Japon ne pourrait faire autrement, étant donné l’absence de Gouvernement russe avec lequel il pourrait causer.

Il est difficile de supposer que cet argument soit très convaincant pour les Alliés qui sont en train de négocier avec Moscou et n’ignorent pas les conversations assez prolongées entre M. Matsudaïra et M. Vilensky.

Quant à la justification de ses actes par les précédents de l’histoire diplomatique du monde » on pourrait de cette manière justifier facilement n’importe quel brigandage.

Si baroques que soient ces arguments, c’est tout ce qu’a trouvé le Vicomte Uchida pour défendre devant la Diète Impériale sa politique d’agression.