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nettes, de banques, de chemins de fer stratégiques, de commerçants et d’accapareurs de terrains, etc…, mais trop tard ! Il croit découvrir que l’on peut transformer les lames de sabre en socs de charrues après les avoir trempées dans le sang ! Les Coréens renouvelleront avant peu leur demande pour l’Indépendance et de nouvelles démonstrations contre la domination japonaise se manifesteront certainement. Ce seront des démonstrations pacifiques, de paisibles parades et des cris de « Vive la Liberté Coréenne » ! Mais elles seront réprimées par la force, car il est impossible pour l’esprit militariste des Japonais, de comprendre une autre puissance que celle de la force. Et plus, il emploiera la force, plus la révolte sera grande. La Corée a ressenti cette brise magique « Du droit des peuples de disposer d’eux-mêmes », qui a passé sur le monde entier. Ce même souffle qui a secoué la Pologne, la Finlande, la Tchéco-Slovaquie, l’Irlande, l’Égypte, l’Inde, qui a même touché nos gracieuses Philippines, a mis le feu au cœur des hommes de par ici.

Mais ce fut plus qu’un sentiment national vers la liberté qui poussa hommes et femmes dans la rue des cités coréennes le 1er mars dernier, aux cris de « Mansei » — littéralement : 10.000 années, ce qui veut dire « éternellement » ou « liberté éternelle » ! — ce fut une explosion de la haine contenue contre les cruautés, les iniquités et l’injustice de la domination japonaise pratiquées durant ces dix années d’annexion nipponne. Le mouvement de ces démonstrations était aussi bien dirigé contre les injustices économiques que contre les injustices politiques.

Le Japon a perdu une fois pour toutes ses chances en Corée. S’il avait employé ces dix dernières années avec plus de sagesse et plus de bonté, il n’y aurait aucune révolte aujourd’hui en Corée, cela lui était encore possible même après les démonstrations de mars 1919 ; il pouvait arrêter la révolte. Mais il n’en fit rien. Comme le disait un Américain qui a vécu de longues années en Corée : « Durant ces dix ans, il a pratiqué les cruautés turques avec une science toute allemande doublée de la ruse nipponne, il espérait ainsi inspirer confiance à la Corée et obtenir son amitié ! »

Il est juste de dire toutefois, que le Japon a fait de bonnes choses en Corée. Il a construit des routes, mais pour la plupart militaires et stratégiques ; il a établi de grandes banques, mais elles l’ont été pour la seule gloire et pour le seul profit des banquiers japonais. Il a élevé des écoles, où seul le Japonais est enseigné. Il a accompli ces travaux et pas mal d’autres, en Corée, mais unique- ment pour le profit du Japon et non de la Corée. En voulant se faire aimer des Coréens à l’aide de ses baïonnettes, le Japon a perdu la partie !

Peut-il retourner en arrière ? Peut-il non seulement maîtriser ce mouvement révolutionnaire, mais le satisfaire et gagner les Coréens révoltés. En d’autres termes, ce mouvement pour l’Indépendance est-il si profond et si généralisé que rien ne puisse l’arrêter même temporairement ? Telle est la réelle situation en Corée.