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que la Corée puisse obtenir ainsi tout d’un coup, la même autonomie qui existe actuellement au Japon.

Le Gouverneur continua en me donnant des explications sur les rapports existant entre les magistrats coréens et les clercs japonais. Les Coréens disent que ces clercs dictent leur volonté aux magistrats et détiennent actuellement tout le pouvoir de la charge, le magistrat n’étant qu’un muet. Ce que le Gouverneur dénie.

« En Corée, dit-il, la magistrature a été une position de pouvoir et d’honneur, et il est aisé pour le Gouvernement général, de recruter des hommes capables pour ces fonctions. Il y a dans le présent de nombreux magistrats coréens fort capables et qui ne laisseront pas des clercs s’immiscer dans leurs affaires. Il est vrai qu’il y a des clercs japonais dans toutes les provinces, continue-t-il, et quelques-uns d’entre eux sont supérieurs aux magistrats par leur éducation, en expérience et en habileté, mais il est incorrect de dire que ces clercs, parce que Japonais, ont tous les pouvoirs et que les magistrats, étant Coréens, n’ont de la fonction que le nom. Bien entendu, il a eu connaissance de certaine critique contre des clecs dans quelques provinces ; le gouvernement fait des enquêtes minutieuses afin de prendre des dispositions utiles contre cet état de choses. »

Sur ces mots, se termina l’interview.

Le baron Saïto a patiemment, avec une copie traduite de mes questions en main, causé pendant plus d’une heure. Il ne m’en reconduisit pas moins aimablement en se courbant, lorsque je le quittais. Je crois qu’il n’est pas déloyal de dire que je n’étais pas plus convaincu ou mieux renseigné en m’en allant qu’en arrivant. Il n’est pas non plus exagéré de dire que le Gouverneur a beaucoup parlé, mais ne m’a dit que peu de chose. Ses déclarations peuvent se résumer en : « Oui…, mais ». Ses paroles furent ce que le colonel Roosevelt avait l’habitude d’appeler « des mots fouinards ». Il n’avait pas plutôt dit quelque chose d’à peu près précis, qu’immédiatement il lui ajoutait un sens contradictoire et équivoque. Liberté de Presse… Mais avec restrictions. Liberté de parole… Mais sous l’œil de la police. On n’obligera pas à l’assimilation… Mais les Coréens n’auront autant de liberté que les Japonais voudront bien leur en donner. Les Coréens n’ont pas à abandonner leur langue… Mais le Japonais sera la seule langue dont ils pourront se servir dans les écoles, et le Coréen ne sera enseigné… qu’à titre supplémentaire.

Les écoles privées jouiront d’un peu plus de liberté… Mais rien n’est encore moins incertain ou indéterminé. On emploiera moins de temps dans les écoles à l’enseignement du japonais… Mais on ne changera rien à l’état de chose actuel. La fustigation sera abolie… Mais plus tard. L’autonomie sera accordée… Mais plus tard, et sous la haute surveillance japonaise. Si on veut analyser cette interview d’une façon un peu concrète et substantielle, on en arrive à cette conclusion :

1o Certaines réformes éducationnelles seront effectives l’an prochain, mais elles ne concernent pas les points essentiels. Le japonais sera encore enseigné et plus que toutes autres matières, seule, la langue japonaise sera en usage dans les écoles ; tous les livres seront en japonais ; rien n’a été dit