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orientale — ce qui du même coup mettrait sous son emprise la Mongolie et la Mandchourie — est trop forte pour qu’il y renonce facilement. »

Une note officielle de Tokio supprime toute équivoque à ce sujet. Le gouvernement japonais y déclare en substance qu’il ne retirera ses troupes de Sibérie que quand la situation des territoires voisins du Japon sera calme, quand les menaces contre la Mandchourie et la Corée auront cessé, quand la sécurité des Japonais en Sibérie sera certaine, quand les communications seront libres. La note ajoute que le Japon n’a aucune ambition politique en Russie ; il n’en reste pas moins qu’à l’heure présente c’est un immense territoire qui va se trouver sous son contrôle exclusif. C’est l’aboutissement d’un effort soutenu de savante diplomatie.

Dès le mois de juin 1918, il fut question de la défense de la Sibérie par le Japon. Pour des raisons surtout « américaines », ce projet de grand style n’eut pas de suites ; aussi bien, beaucoup de personnes en Europe escomptaient-elles l’arrivée des Japonais sur les champs de bataille d’Occident, sans penser que le Japon pouvait vouloir réserver ses forces pour un autre théâtre d’opérations et que son domaine naturel était l’Extrême-Orient. Bref, on peut regretter aujourd’hui pour bien des motifs de n’avoir pas chargé les troupes japonaises d’opérer en Sibérie dès 1918.

Quoi qu’il en soit, après avoir employé en grande partie le temps de guerre, à s’imposer à la Chine, les Japonais restent seuls en Sibérie, acquérant ainsi une suprématie que ni leurs armes, ni leur habileté n’avaient pu jusqu’ici leur conquérir. Sibérie Orientale, Mongolie, qui complète géographiquement la première Mandchourie, Chantoung : 80 millions d’âmes sous le contrôle du gouvernement mikadonal et 2 millions de kilomètres carrés qui ne sont pas tous désertiques, tant s’en faut ! Rien que la zone méridionale de la Sibérie, dont le climat est supportable, compte 7 754 000 hectares de terres cultivées.

Les Américains doivent sentir que cette expansion des Japonais sur le continent asiatique enrichit le problème du Pacifique d’une donnée nouvelle. — A. D.

(Le Temps, 9 avril 1920.)

La Russie s’est débarrassée de Koltchak. Elle s’est débarrassée de Denikine. Elle a chassé presque tous les contingents français, anglais, américains qui s’étaient installés sur différents points de son territoire.

Mais le Japon demeure. Les soldats japonais, au nombre de cent mille environ, continuent de terroriser la Sibérie et d’écraser toutes les forces démocratiques du pays.

Les nouvelles assez confuses qui arrivent de Vladivostok annoncent que de très graves événements viennent de se passer dans toute la Sibérie orientale.

La délégation japonaise à Paris veut nous faire croire que les soldats du mikado ont été attaqués par des révolutionnaires russes, et qu’ils ont dû intervenir pour rétablir l’ordre.

En réalité, le Japon achève en ce moment l’œuvre commencée depuis des mois : l’occupation militaire de l’immense territoire sibérien pour assurer son contrôle définitif sur la Mandchourie, la Mongolie et le Chantoung.

Tant que Koltchak a eu une ombre de pouvoir, le Japon l’a soutenu. Il a protégé et aidé financièrement les hordes pillardes des « atamans » Semenov et Kalmykov. Il a écrasé impitoyablement les nombreuses tentatives de libération des populations de Krasnoïarsk, d’Irkoutsk, de Vladivostok. Ses soldats ont brûlé et dévasté des centaines de villages, ainsi que me l’affirmait encore récemment un témoin oculaire rentré en France.

Les généraux japonais ont couronné leur œuvre contre-révolutionnaire en supprimant le nouveau gouvernement démocratique qui s’était établi fin janvier dernier, sous la direction de Medrediev. Ce gouvernement avait l’appui de tous les partis, y compris celui des communistes, si j’en crois les informations publiées par notre confrère Pour la Russie. Ce gouvernement