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empêché de donner un commencement d’exécution à ses projets d’expansion et d’hégémonie sur le continent asiatique.

Le plus grand Japon et les buts éloignés de la politique japonaise tels que l’assujettissement de la Chine et la possession des îles du sud, au nord de l’Equateur, inquiètent les Etats-Unis et l’Australie. Ils ont ému plus d’un homme politique en Indo-Chine.

La Politique du Chiffon de Papier.

La Corée, le Pays du Matin calme, est une péninsule de 220.000 kilomètres carrés de superficie. Elle est bornée au nord par le fleuve Yalu, qui se jette dans la mer Jaune, et parle fleuve Tuman, qui se déverse, lui, dans la mer du Japon. Ces deux mers, qui baignent les 2.910 kilomètres de côtes coréennes, sont séparées par la péninsule.

Pays de zone tempérée, la Corée nourrit une population de 18 millions d’habitants. Suivant le savant anglais Keene, les Coréens sont de souche caucasienne, mélangée de Mongols et de Malais. Le professeur américain Homer B. Hulbert a écrit des Coréens qu’ils étaient, à beaucoup près, le peuple le plus facile à vivre de l’Extrême-Orient. L’histoire de la civilisation qui constitua la Corée en royaume, 2.333 ans avant J.-C. La dynastie de Yi, qui régna jusqu’au 29 août 1910, avait été fondée par Yi-Tai-Jo, en 1392.

Placée entre la Chine, la Russie et le Japon, la Corée eut a se préoccuper de préserver son indépendance contre les visées de ses dangereux voisins. Elle fut l’enjeu de luttes auxquelles ils se livrèrent, soi-disant pour défendre cette indépendance (guerres sino-japonaise de 1895 et russo-japonaise de 1904). Lorsqu’il prit les armes en dernier lieu contre la Russie, le Japon déclara, en effet, que c’était pour assurer l’indépendance politique et l’intégrité territoriale de la Corée. L’article III du traité coréo-japonais du 23 février 1904 est ainsi rédigé. Le gouvernement impérial du Japon garantit expressément l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’empire coréen.

La Russie vaincue, les Japonais ne s’inquiètent pas plus de la Chine et des puissances européennes que du bon billet qu’ils avaient signé à leurs crédules amis, les Coréens. Ils soumirent à leur domination, purement et simplement, le Pays du Matin calme. Plus de 3 millions de Coréens s’expatrièrent devant le flot de l’immigration japonaise. La Corée fut transformée eu une vaste prison, l’enseignement de sa langue et de son histoire demeura interdit.

C’est alors que la Corée cessa d’être le Pays du Matin calme. Elle a continué de s’agiter jusqu’au grand soulèvement du 1er mars 1919, organisé par la Société de la Nouvelle Corée, par l’Union de l’Indépendance nationale coréenne et par d’autres puissants groupements.

Un gouvernement national s’est constitué depuis, ayant à sa tête le docteur Syngman Rhee.

Aux dernières nouvelles, la lutte reprend sur le sol sacré avec plus d’intensité et d’acharnement. Une armée, levée par les Coréens du dehors, a pénétré dans le pays, forçant les garnisons japonaises à se replier en toute hâte et nécessitant le débarquement de nouvelles divisions japonaises. Ce sont les faits qui, légèrement déformés, ont été présentés comme un envahissement de la Corée par les… bolchevistes.

Louis Bresse
(Le Rappel, 8 mars 1920.)