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mérite d’être prise en considération. L’écrasement total de l’Allemagne peut bien avoir l’heureux effet de calmer les ardeurs des militaristes japonais qui voient dans le militarisme la vraie, la seule force d’un État mais, si l’on tient compte de l’éventualité d’une alliance nippo-allemande la destruction absolue de la force allemande n’est pas à souhaiter, du point de vue japonais.

Pour le Dr Shida, professeur à l’École des Hautes Études Commerciales de Tokyo, l’Allemagne, bien que certainement très affaiblie, n’est pas arrivée à un tel degré d’épuisement qu’un délai quelconque à la ces lion des hostilités signifie pour elle la ruine complète. Mais, elle tient à conserver des forces suffisantes pour les entreprises qu’elle veut tenter après la guerre, et c’est pourquoi elle demande la paix dès maintenant. Il est probable qu’à la conférence de la paix, l’Allemagne n’insistera pas particulièrement pour rentrer en possession de Tsingtao ni des les du Sud ; elle se résoudra moins facilement à l’abandon de ses anciennes colonies d’Afrique et de ses nouvelles possessions en Russie.

Ce ne serait pas sage, de la part de l’Angleterre, du point de vue de son intérêt bien entendu, de vouloir la destruction totale de la puissance allemande, dont la disparition signifierait l’accroissement démesuré de la puissance américaine Il est donc probable que les conditions imposées par l’Angleterre ne seront pas telles que l’Allemagne ne les puisse accepter. Quant à la France, bien qu’elle se montre très irritée contre seule et sans l’aide de ses alliés, elle devra se satisfaire, si ces Alliés retirent leur concours, d’une indemnité suffisante. Pour le Japon, il ne tient pas à voir s’accroître encore les forces de l’Amérique, car son rival sera désormais l’Amérique et non plus l’Allemagne. Les déclarations américaines en faveur de la justice et de l’humanité sont de fort belles choses, mais la conduite de l’Amérique dément ses belles paroles. Tous ses discours moraux ne sont qu’un moyen de servir ses intérêts égoïstes. Tant de beaux principes n’empêchent qu’elle conserve ses préjugés à l’égard des Japonais et des Chinois Il est tout à fait probable que l’avenir verra des conflits éclater entre le Japon et l’Amérique sur le Pacifique, en Chine et en Sibérie.

Le Dr. Shida juge que l’intérêt du. Japon demande que la paix soit conclue avant que les forces de l’Allemagne se trouvent réduites à néant, afin que la paix soit désormais assurée par l’équilibre entre les quatre grandes puissances : Amérique, Grande-Bretagne, Allemagne et Japon. Le Japon doit agir conformément aux principes de justice internationale, mais il a le droit d’exiger de l’Amérique qu’elle observe les mêmes principes et qu’elle se défasse de ses préjugés de race. Il est nécessaire que le Japon évite d’être réduit à un isolement qui le reléguerait au rang de puissance de deuxième ou de troisième ordre.

D’un article du professeur Senga, de l’Université impériale de Kyoto, dans l’Osaka Asahi (1er Novembre) :

Les opinions diffèrent sur l’attitude que doit adopter le Japon à la conférence de la paix. En ce qui concerne le règlement des affaires européennes, le rôle du Japon se bornera à soutenir les demandes de la Grande-Bretagne, de l’Amérique et de la France. — Évidemment, la puissance allemande sortira très diminuée de cette guerre et son prestige gravement atteint ; il nous paraît cependant nécessaire, pour maintenir l’équilibre des puissances, que l’Allemagne reste après la guerre une puissance de premier rang. Son passage à la condition de puissance de second plan aurait pour conséquence de donner la suprématie absolue à une nation ou à un groupe de nations, ce dont les antres peuples n’auraient nullement lieu de se réjouir.

Le Dr. Shiozawa, professeur à l’Université de Waseda, ne croit pas la puissance allemande soit définitivement ruinée. La perte de l’Alsace-Lorraine affectera gravement son industrie ; le commerce allemand souffrira certes beaucoup de perte des colonies ; mais il est hors de doute cependant que l’Allemagne tôt ou tard relèvera la tête et reprendra son rang.