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tiques, comme la Chine, la Corée, et par les Puissances Européennes et Américaines.

Il y a quelques années, les nations occidentales protégeaient gentiment ces « petits Japonais » souriants et leurs voisins Asiatiques étaient très amis avec eux, ne soupçonnant pas le poignard caché sous leur kimono. Puis, ces « petits Japonais » gagnèrent deux guerres, contre la Chine et la Russie. Dans la dernière, ne pouvant vaincre complètement par les armes, ils atteignirent leur succès par une habile diplomatie. À la conclusion de cette guerre, le Japon, sans aucun scrupule, absorba la Corée, une terre de vingt millions d’âmes, qui était son alliée et dont la contribution active avait assuré la victoire Japonaise.

Quand la grande guerre de 1914 éclata, le destin servit encore le Japon ; il chercha à absorber toute la Chine, mais le géant était trop grand pour être avalé d’un seul coup. Depuis, le Japon a resserré son étreinte autour de Pékin. La révolution Russe servit également aux Japonais l’occasion d’offrir à Koltchak leur assistance sous certaines conditions ; ces conditions étant la concession d’un monopole sur tout ce qui peut avoir de la valeur en Sibérie. À la suite des protestations de l’Amérique sur ce que le Japon agissait seul, on en fit une question alliée, ce qui retint la main du Japon pendant un certain temps ; mais lorsque les Alliés se furent fatigués d’une intervention sans profit et que les contingents Américains se furent retirés de Sibérie, le Japon lança aussitôt une vive offensive contre les Russes, dont le résultat est l’occupation permanente de la Sibérie.

Pendant tout le dernier hiver, il installa d’énormes magasins d’armes et de provisions et répandit près de 200.000 hommes le long des frontières Coréennes et dans le pays même.

Dans l’intervalle, des messagers envoyés de Tokio, pour la propagande à l’étranger, disaient que le peuple Japonais était contre la politique du Gouvernement en Sibérie, et proposaient le retrait des forces japonaises. Le Gouvernement, en réponse, proclamait que le Japon s’en irait en temps voulu ? C’est du reste devenu une habitude des Japonais de déclarer en occupant un pays : « Je m’en irai ». Ils dirent la même chose en Corée et au Chantoung ! Derrière le rideau, le Japon se rapproche de la Chine ; il lui propose une alliance offensive et défensive. Il faut espérer que la Chine portera ses regards sur la Corée à travers la Mer Jaune, et qu’elle se rappellera, à temps, ce que le traité d’alliance Coréo-Japonais a fait pour la Corée. Le Japon ne cache pas non plus son désir de faire un arrangement avec la France à propos des possessions Françaises de l’Indo-Chine !

Le rêve du Japon de dominer l’Asie comme prélude d’une domination mondiale est en train de se réaliser rapidement. Il y a pourtant un grand obstacle à son projet, c’est son inhabilité à japoniser les différentes races de l’Asie ! L’exemple le plus frappant en est la Corée où il récolte l’insuccès le plus complet. Il y a des probabilités et des possibilités dans son projet, mais pour la Corée, c’est une impossibilité d’être autre chose que la Corée. Il est étonnant de voir avec quelle impertinence les Japonais répandent en Corée le bruit du « Péril Blanc » ! : « Joignez-vous à nous, disent-ils, nous voulons garder l’Asie aux Asiatiques ». Mais leurs efforts répétés pour répandre en Corée ou ailleurs ce bruit tendancieux ont complètement fait faillite. Il faut être Japonais pour concevoir un plan aussi fantastique. Ils ont détruit notre liberté, nos foyers, notre histoire vieille de 42 siècles et maintenant ils osent nous faire cette ignoble proposition. Nous, Coréens, ne sommes intéressés que dans la Corée pour les Coréens et non dans l’Asie pour les Japonais !

Il est tard, mais pas trop tard pour arrêter la marche des Insulaires Nippons, pour leur propre salut et celui de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique. Quelques précautions valent mieux que beaucoup de remèdes, c’est-à-dire qu’une prompte action dès maintenant sauvera le monde d’une guerre de races, qui sera inévitable si le Japon est autorisé à s’étendre sur le Continent et vers le Pacifique.

E.-K. Whang.
(Paru en partie dans le Chicago Tribune, Paris, 10 mai 1920.)