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Or, d’après un correspondant de l’Asahi, les « troupes japonaises dans la Transbaïkalie sont l’objet d’une grande hostilité surtout parce que, dans l’opinion générale, elles soutiennent l’Ataman Semenoff qui est haï par la population. »

Bref, le Japon perd le dernier point d’appui.

Après les paysans qui menaient déjà plus d’un an, une guerre implacable des partisans, après les ouvriers, les municipalités, les coopératives, les Zemstvos, voilà que les Cosaques se dressent contre les envahisseurs et leurs agents et refusent de servir désormais d’instrument aveugle entre les mains de louches aventuriers.

Cette unanimité de tous les habitants de la Sibérie Orientale accule le Japon à cette alternative :

Ou bien se conformer au désir du peuple russe et à l’opinion publique japonaise en retirant toutes ses troupes, ou bien suivre la politique de la clique militariste en déclarant la guerre à la Russie.

D’après les dernières nouvelles de source japonaise on se prononce de plus en plus énergiquement, dans les couloirs de la Diete, pour le retrait des troupes japonaises de Sibérie.

Le Gouvernement de Tokyo continue, cependant, à garder une attitude hésitante, ce qui est d’ailleurs naturel.

La tentation pour faire aboutir d’un seul coup le plan de l’établissement d’un Grand Empire sur le Continent, devant comprendre la Corée, la Sibérie Orientale, la Mandchourie et la Mongolie, plan à la réalisation duquel la diplomatie japonaise travaille activement depuis 1904 lorsqu’elle menait encore la guerre contre la Russie pour l’indépendance de la Corée et l’intégrité de la Chine, cette tentation, disons-nous, est trop forte pour que les militaristes japonais y renoncent facilement. »

(Journal de Pékin, 16 février 1920.)
EN EXTRÊME-ORIENT

Que se passe-t-il en Extrême-Orient ? Ici, sur la terre d’Occident, nul ne le sait d’une façon précise.

En notre siècle de télégraphie sans fil, où dans tous les coins du monde, tout l’Univers devrait, heure par heure, voir étalé sous ses yeux le tableau de toutes les choses humaines, sur certains événements nous ne sommes pas plus renseignés que si nous étions au XVIIIe siècle : les nations auraient cependant intérêt primordial à savoir, afin de pouvoir régler elles-mêmes leurs destinées au lieu de les abandonner aux caprices des intrigants qui « ayant beau mentir en venant de loin » ou étant sensés venir de loin, bourrent le crâne du public.

De l’Extrême-Orient nous ne savons rien. De temps en temps, nous arrivent des dépêches tronquées, peu explicites, contradictoires, qui font entrevoir à l’Occident que le feu est là-bas aux extrémités orientales de l’Asie : mais c’est tout.

Nous savons — et dans quelles conditions le savons-nous ! — que l’on se bat sur toutes les frontières de la Russie et que l’on s’y bat — hélas ! — avec l’argent et les armes de la France et de l’Angleterre, mais dans quelles conditions ? Les gouvernements de l’Occident ne fournissent pas l’ombre d’une explication : les radios bolchevistes incertains, sujets à contestation, ne sont ni exposés, ni critiqués.

À travers l’épaisse fumée qui s’élève des incendies allumés sur la frontière polonaise et sur la frontière du Caucase, fumée qui forme vers le ciel d’Orient un gigantesque rideau, nous percevons cependant que la bataille incessante est engagée dans le bassin de l’Amour.

Quelle est l’issue de la bataille, mieux, quelles sont même ses péripéties ? Obscurité complète.

 

Avec les nouvelles vagues et incertaines venues soit de Sibérie, soit de