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invoque des raisons pour le faire, la police exige qu’on fasse téléphoner par la police de la localité où on se rend pour vérifier si la raison est légitime.

« Le Coréen n’a plus le droit, depuis l’annexion, de déposer dans les banques et de retirer des banques l’argent qu’il veut ; les banques sont toutes japonaises et les Coréens sont obligés d’expliquer pourquoi ils retirent une certaine somme d’argent de la banque chaque fois qu’ils en retirent une. Ils n’ont, bien entendu, aucune représentation parlementaire ; ils n’ont aucun droit de presse ; aucun droit de réunion ni d’association ; aucun droit de pétition. Dans les écoles qui ont été développées, — et les Japonais s’en vantent — c’est le japonais seulement qu’on enseigne. On n’a plus le droit d’enseigner le coréen, on n’enseigne plus l’histoire de la Corée ; on enseigne seulement l’histoire du Japon et la langue du Japon. En somme, ce sont des institutions destinées à japoniser le pays, à répandre l’amour du Japon et non pas une large, une vraie culture.

« J’ajoute que des mécanismes qui ressemblent d’assez près au mécanisme appliqué à la Pologne par l’Allemagne, arrachent aux Coréens les terres qu’ils possédaient auparavant dans les régions fertiles et chaudes du sud. On accable d’impôts les Coréens, de telle sorte qu’on les oblige à vendre leurs terres ; le Gouvernement les rachète et il y installe des colons japonais. Ainsi, le Coréen se trouve gêné dans tous les détails de son existence par cette oppression, cette tyrannie.

« Je vous disait tout à l’heure que le Coréen était pacifiste ; i a horreur du militarisme japonais qui pèse sur lui. Tous les fonctionnaires japonais et jusqu’aux instituteurs portent l’épée au côté, tant ils sont militarisés. Ce petit détail permet de deviner la répugnance que les Coréens, influencés par la sagesse chinoise, éprouvent en face du militarisme japonais.

« Surtout le Coréen voulait rester Coréen ; il tenait à l’indépendance de son pays : il a souffert que cette indépendance soit violée contre le gré de son peuple ; il s’est révolté parfois.

LA CORÉE REVENDIQUE SON INDÉPENDANCE AU CRI DE « MANZEI »

« Mais lui aussi, comme le Chinois du Chantoung, il a été secoué par un grand espoir au moment de la Conférence de la Paix. Il s’est dit : Puisqu’on va reconstruire le monde sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la Corée va être libre, redevenir le libre pays des Coréens. Les Coréens ont envoyé des délégués à la Conférence de la Paix ; ils ont envoyé des représentants auprès du Président Wilson ; et ils ont préparé une manifestation solennelle proclamant l’indépendance coréenne.

« Le premier mars 1919, 33 notables coréens appartenant à des religions différentes : quinze chrétiens, quinze adeptes d’une religion spécialement nationale, et trois bouddhistes, se sont réunis et ont proclamé l’indépendance de la Corée. Ils l’ont proclamée au vu et au su de tous, ils l’ont proclamée en prévenant même la police japonaise qui immédiatement les a fait arrêter. Les Coréens, les étudiants et même les étudiantes… (le fait est touchant parce que la femme coréenne était restée jusque-là en dehors de la vie publique) les étudiants et les étudiantes ont manifesté en faveur de la libre Corée. Des foules nombreuses, des milliers de personnes se réunissaient, criaient Manzeï ; c’est le banzaï japonais transposé en Coréen ; cela veut dire : « Dix mille années », c’est-à-dire : « Vive la Corée indépendante ! » Je dirai comment la police japonaise a réprimé ces manifestations pacifiques.

« À la suite de la répression qui fut très dure, la tactique a changé ; ce fut la grève : toutes les boutiques coréennes se sont fermées. Les tramways ont cessé de fonctionner, les conducteurs coréens refusant de les faire marcher. Les quelques tramways mis en mouvement par des Japonais, étaient boycottés par les Coréens.

« La grève a duré jusqu’au premier avril 1919. À ce moment, la police japonaise est intervenue et a, par la force, obligé les commerçants coréens à rouvrir les boutiques ; elle a obligé par la force à la reprise du travail…