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Les heures sont favorables au Japon. Pour mieux réussir, il lui faut cependant se débarrasser de la Reine Minn. À la suite des intrigues conduites par son Ministre à Séoul, Mioura-Goro, aidé de son Premier secrétaire Foukoshi-Sougimoura, le Gouvernement nippon fait cerner le Palais Royal, surprendre odieusement par sa soldatesque la Reine qui, outragée, ligotée, est ensuite brûlée vive !

Il gardera à vue, à l’aide de ses troupes, le Roi Yi prisonnier dans son Palais jusqu’au commencement de l’année suivante où, en février 1896, le Roi peut enfin s’évader et demander asile à la Légation de Russie.

Après de longues négociations entamées entre le Gouvernement russe et celui du Mikado, un Protocole final (14 mai et 9 juin 1896) reconnaît la Corée comme un État indépendant, avec le droit de posséder une armée et une police nationales. Le Japon s’engageait à ne maintenir qu’une Garde de Légation et le Roi Yi-Hié put regagner en sécurité son Palais.


Nous arrivons ainsi à la seconde période de la politique continentale du Japon, qui va de 1895 à 1905, c’est-à-dire de la guerre sino-japonaise à la guerre russo-japonaise.

Pendant ces dix années qui vont suivre, tout l’effort du Japon se concentrera contre le colosse russe qui le gêne fortement dans ses desseins de conquête continentale. Son nouveau plan d’action va être de rejeter à tout prix la Russie hors de l’Extrême-Asie.

Pour arriver à ses fins, le Gouvernement de Tokyo emploie les mêmes moyens (il ne les change jamais du reste). D’abord, se concilier les gens pour les éprouver et, lorsqu’il sent les circonstances favorables et qu’il voit la possibilité de brusquer les choses par la force, sans courir lui-même de gros dangers, rien ne l’arrête plus !

Le 9 juin 1896, il conclut une Convention financière avec la Russie afin de venir en aide, soi-disant, à la situation précaire de la Corée, mais en réalité pour mieux sonder les moyens de la Russie.

Deux ans plus tard, le 25 avril 1898, il traite encore avec la Russie pour lui faire reconnaître une fois de plus l’Indépendance de la Corée et surtout pour l’écarter tout simplement des affaires intérieures de ce pays qui doit rester le champ d’action réservé au Japon.

Art. 1. — La Russie et le Japon reconnaissant définitivement la souveraineté et l’entière indépendance de la Corée, s’engagent à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de ce pays.

Il ne faut pas oublier qu’à cette même époque, jusque vers 1902 et 1903, la tension politique entre la Grande-Bretagne et la Russie était grande et des plus inquiétantes en Europe. La Russie cherchait une sortie Extrême-Orient. Elle possédait bien Wladivostock, mais bloqué par les glaces en hiver, il lui fallait un débouché plus au sud dans les mers de Chine. D’autre part, le Japon par le Traité de Shimonoseki n’avait pu obtenir le port militaire de Port-Arthur, clé stratégique pour lui sur le golfe du Petchili et dominant le reste de la côte chinoise, à la suite de l’intervention de la France, de la Russie et de l’Allemagne ; il avait donc voué une haine, qu’il ne masqua du reste pas si on en consulte la presse japonaise de cette époque, contre ces trois pays. En 1898, à l’époque dite de « la curée » sur la Chine, la Russie obtenait de la Chine la cession à bail de ce