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DE FLEURS



Elles avaient piqué des lotus dans leurs boucles
Et mouillé leurs cheveux avec des parfums lourds
Leurs souples flancs roulaient des houles de velours
Leurs longs yeux palpitaient comme des escarboucles

Des couleuvres d’argent tournaient sur leurs bras nus
Des colliers descendaient sur leurs mamelles grises
Leurs souffles délicats erraient comme des brises
Dans leurs voix tristes et leurs rires ingénus

Et les rougeurs des fleurs sur leurs bouches nocturnes
Tremblaient avec des nonchalances taciturnes
Au bout de leurs doigts blancs ongulés de carmin

Et les sourds tapis bleus déroulaient le chemin
Où les filles du dieu, sur des fleurs de verveines
Se charmaient l’une l’autre au fil des heures vaines.


CLAUDE MOREAU.




D’ÉTOILES


Die Sterne die begehrt man nicht.



Le désir infini suscité par les astres
Monte avec le noir, tremble avec l’ombre de nuit
Le cœur de marbre pur et qui s’épanouit,
Fleur ! ô les cœurs d’acanthe aux cous blancs des pilastres —
Éclot d’une colonne où l’or des astres luit.

Les souvenirs de l’être et la vie et du jour
Se perdent, vieux voiles oubliés par leur âme
Le cœur, Rose de glace aux doigts d’Elle, se pâme
Et défaille et périt de la mort de l’amour.

Il se meurt d’une envie éternelle. Tranquille
Sa vision descend dans la nuit immobile
Descend, neige et l’ensevelit comme un époux,

Extase qui revient des étoiles heureuses
Suivre dans l’air nocturne au morne deuil des fous

Le silence mortel mené par les pleureuses.


P. L.