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FANES


Mes Rêves…



Mes rêves n’osent pas se divertir d’eux-mêmes
Vers le rire des Avallons
Pleins d’avril éternel où marchent des poèmes
Avec des ailes aux talons ;…

Mes rêves sont plaintifs comme les chrysanthèmes
Et comme les doux violons
De l’automne en voyage et comme les pleurs blêmes
De la lune sur les vallons ;…

Mes rêves sont captifs de leur tristesse intime :
Ils n’osent pas prendre l’essor
Vers le joyeux pays à cause de l’abyme

Ouvert entre la rive d’or
Et le désert en deuil dont je serai victime
Au siècle des siècles — encor.


Voyage



Ce soir ma solitude est un lac de silence
Et de songe où la nef de mes chimères glisse
Vers des illusions de rive en le délice
D’un rêve qui promet l’éternelle opulence ;

Une brise aux mortels parfums de pestilence
Nous mène lentement à l’île du supplice ;
Le doux lys de l’espoir effeuille son calice
Et sa tige s’effile en venimeuse lance ;

Le mirage d’or fuit, la menteuse merveille
S’évanouit : perdu dans les mornes ténèbres,
Mon navire joyeux pour l’enfer appareille

Et les oiseaux de l’ombre avec des cris funèbres
Escortent le damne jusqu’aux lointains parages
Où l’attend le démon des éternels naufrages.


EDMOND FAZY.