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Est-ce le vent ou l’eau qui glisse par vos branches
Et se joue au travers de vos écorces blanches ?
Dites-le moi, bouleaux rêveurs, tendres bouleaux..
Point de réponse :
L’ombre s’annonce
Et puis se fonce…
Le sombre soir se meurt sur de secrets sanglots
Seul un sanglant sillon de rouge-de-saturne
Trouble encore au couchant la grisaille nocturne.



Puis, comme un souvenir en un cœur lourd d’ennui
Ce rouge sombrerait lui-même dans la nuit
Un magistral silence assombrirait la Terre
Et les aspects
Des fonds épais
Prendraient la paix
Des soirs poignants où l’on pressent le grand mystère…
Hélas ! d’où nous viendrait le mot essentiel !
Obscurité du cœur sous la noirceur du ciel !…



Le Mot essentiel, porte d’or des Sésames,
S’ouvrira-t-il jamais pour éblouir les âmes ?
Obscurité du ciel sur la noirceur du cœur !
Tout n’est que rêve
Et clarté brève
Qui brille et crève…
Le Temps dissout l’Amour et le Temps est vainqueur !
Nous sommes de la même étoffe que nos songes :
Qu’on nous rende la foi des sincères mensonges !



Soir pâle, bouleaux blancs, fin coteau gazonné,
Ô tendre et délicat décor imaginé,
Ne viens plus attendrir ma vision ravie…
Puisque jamais
Les prochains mais
Que tu promets
Ne rouvriront un cœur endurci par la vie
Le Temps dissout le Temps, et le Temps est vainqueur
Et le ciel est obscur encor moins que le cœur !


HENRY BÉRENGER.

Février 1889