Page:La Conque, 1891-1892.pdf/81

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Moi, je sais bien que sous des arbres plus épais,
Au fond des bois que rafraîchiraient les fontaines,
Je ne deviendrais pas dupe des choses vaines,
Je garderais l’orgueil stérile de ma paix.

Restons ici. Vivons paresseux et tranquilles,
Vous aurez des mots doux, comme pour me calmer.
Et je vous aimerai de comprendre et d’aimer
Mes désirs sans espoir et mes vœux immobiles.


LÉON BLUM.




CRÉPUSCULES PSYCHOLOGIQUES



Je rêve une colline étroite au jour baissant…
Des vapeurs s’en iraient par l’azur albescent
Qu’une diffusion impalpable de rose
Nuancerait
Et ce serait
Notre secret
D’errer sous les bouleaux dont le tronc blanc se rose
Par un suave après-midi de fin d’hiver
Songeurs d’amour parmi le rare gazon vert…



Et je rêve, au delà de l’étroite colline,
Des lointains bleu-foncé qu’une brume opaline
Velouterait d’un voile aux violets replis…
Moins loin, des plaines
S’étendraient, pleines
D’albes haleines
Qui monteraient en blancs réseaux un peu bleuis
D’un vieux toit pastoral ou des feux de fougères
Qu’allument en plein champ les légères bergères…



Et les frêles bouleaux mettraient sur le ciel blanc
Les dessins imprévus de leur treillis tremblant…
Le vent frissonnerait dans leurs fins ramuscules
Et ce charmant
Frissonnement
Dirait comment
On doit s’aimer dans la douceur des crépuscules…
Et nos songes auraient ce frisson du bouleau
Si doux qu’on ne sait pas si c’est le vent ou l’eau…