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SONNET


À petit Jo.



Quand je me coucherai dans l’ombre où tu reposes
Tu poseras ta main blanche sur mes cheveux.
Je dis ce que tu dis et fais ce que tu veux,
Nous nous allongerons en de tranquilles poses.

Et, pour respirer mieux le parfum clair des roses,
Nous penchant tour à tour comme pour des aveux,
Nous nous inclinerons, enlacés et honteux
Vers le gazon tout plein de roses demi-closes.

Les oiseaux chanteront sur des modes très doux,
Nous nous inclinerons, courbés sur les genoux,
Jusqu’à ce que mon front heurte ton front timide

Et que ta lèvre enfin, qu’un désir entr’ouvrit
Chastement, sur ma bouche, en un baiser candide,
Se pose… dans tes yeux je verrai si tu ris.


LÉON BLUM.




ÉVOCATION



Aa ligne des côteaux violets se dessine
Très nette sur le fond vert-pâle du couchant…
À l’orient cendré des teintes de glycine
Offrent aux yeux lassés leur gris-sombre attachant…

Parfums dans les jardins, parfums sur la colline,
Et parfums dans la plaine… À cette heure, le chant
Des vignerons voûtés qui reviennent du champ
Fait battre étrangement mon cœur dans ma poitrine…

Ah, la Souffrance est douce en ce calme parfait !
Les vœux et les regrets que la vie étouffait
Au tendre clair-obscur ouvrent mieux leurs pétales ;

Là haut s’entr’ouvre aussi la floraison des soirs
Et j’evoque dans les pâleurs occidentales,
La vierge, aux yeux pensifs promise à mes espoirs…


HENRY BÉRENGER.