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L’horizon frissonna d’une présence d’ailes ;
Un reflet d’ange fit l’eau triste du Wannsee
Sourire, et, telle chante une astrale rosée
Lorsque l’éther l’adule aux fanes d’asphodèles,
La Sœur que ma prière adorait dit, bénigne :

« D’Alcyone l’étoile où je suis, ma pensée
Plaint les erreurs de tes douloureuses tendresses
Pour des rêves bientôt trahis, plaint tes détresses
D’âme infidèle il est trop vrai, mais fiancée
Au regret des chers soirs que nous eûmes dans Thèbes ;

Parmi l’azur natal ma délivrance plane,
Frère, sur ton exil hanté de nostalgies
Stériles vers moi seule et de songes d’orgies
En d’infernaux palais de métaux dont émane
Cette odeur d’oliban qu’ont les gorges d’éphèbes :

Nous fûmes, je le sais, lors d’une très lointaine
Existence deux Fils de Roy dans Ecbatane
Qui se plaisaient à voir, comme un jardin se fane
Des corps mêlés languir aux soupirs de fontaine
Que rhythme lentement la bouche des blessures ;

Mais contemple oublieux des barbares délices
Ces terrasses d’Hellas que lustre l’indolence
De nos sandales sur les dalles de silence,
Et souviens toi que nous pleurâmes les malices
Commises quand nos cœurs avaient soif de luxures !

Mérite le pardon que le pâle Prophète
Nous accorda pour prix de sa douce victoire !
Subis, serein, la solitude expiatoire
En le Nord triste et songe à l’angélique fête
Qui saluera demain tes noces fraternelles !

Sol d’exil en Jésus, ô patrie, Alcyone,
Pur site de beauté qu’un plus chaste fantôme
Magnifia de son vol blanc parmi l’arôme
Extasié des fleurs candides, oh rayonne
De l’orgueil de ravir à jamais nos prunelles !

C’est la fin de l’épreuve et l’aube de la joie
Voici venir en l’ombre hyaline de l’heure,
Réelle avec la grâce indécise d’un leurre,
Une forme… je sens l’azur comme une soie
Idéale ondule autour d’elle et bruire »…

Soudain, brisant la voix céleste, un sacrilège
Fracas de la foudre éclate et, le front haut, Statue
Du Mal et de la Nuit qui toujours abattue
Se redresse toujours, surgit nimbé de neige
Obscure et de rafale iblis au noir sourire.


(Fragment)
EDMOND FAZY