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La Conque




NARCISSE PARLE


Narcissæ placandis manibus


O frères, tristes lys, je languis de beauté
Pour m’être désiré dans votre nudité
Et, vers vous, Nymphes ! nymphes, nymphes des fontaines
Je viens au pur silence offrir mes larmes vaines
Car les hymnes du soleil s’en vont !…
Car les hymnes du soleil s’en vont !… C’est le soir.
J’entends les herbes d’or grandir dans l’ombre sainte
Et la lune perfide élève son miroir
Si la fontaine claire est par la nuit éteinte !
Ainsi, dans ces roseaux harmonieux, jeté
Je languis, ô saphir, par ma triste beauté,
Saphir antique et fontaine magicienne
Où j’oubliai le rire de l’heure ancienne !
Que je déplore ton éclat fatal et pur,
Source funeste à mes larmes prédestinée,
Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur
Mon image de fleurs humides couronnée…
Hélas ! l’Image est douce et les pleurs éternels !…
A travers ces bois bleus et ces lys fraternels
Une lumière ondule encor, pâle améthyste
Assez pour deviner là-bas le Fiancé
Dans ton miroir dont m’attire la lueur triste,
Pâle améthyste ! ô miroir du songe insensé !
Voici dans l’eau ma chair de lune et de rosée
Dont bleuit la fontaine ironique et rusée ;
Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs…
Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent,
Et je clame aux échos le nom des dieux obscurs !
Adieu ! reflet perdu sous l’onde calme et close,
Narcisse, l’heure ultime est an tendre parfum
Au cœur suave. Effeuille aux mânes du défunt