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L’ODEUR SACRÉE




Dans la douceur du soir, pour ravir le rêveur,
Un rayon plus royal octroyé par faveur
Irradie, arrosant l’horizon qu’il irise
Et la forêt s’embrase au soupir de la brise
Et la mare où se mire un troupeau lent et las
S’est moirée à son tour de miroitants éclats
Et l’ombre est couleur d’ambre et tout s’y recolore.
Pour ravir le rêveur un éclair vient d’éclore
Dans la douceur du soir aux bleus vite éblouis,
Un éclair revenu des jours évanouis i
Sur la rumeur éparse où l’esprit se disperse,
L’écho d’un frais refrain qu’on écoute et qui berce
Met au cœur rajeuni Pingénu battement
D’autrefois, aux clartés d’un climat plus clément,
Quand l’âme encor crédule a les joyeux coups d’ailes
Et l’essor arrondi d’un essaim d’hirondelles
Et les frais souvenirs, la savane et le toit
Paternel, tout revit, revient et se revoit.
Une odeur adorable est sur la plaine et plane
En s’affinant dans l’or de l’air plus diaphane,
Odeur sacrée en qui tout vain parfum se fond,
Exhalée on ne sait de quel exil, du fond
De quel ravin boisé rêvant sous les tropiques,
De quelle Ithaque en fleurs des mers aromatiques ?
L’odeur d’Eldorado qu’a seul un premier sol
Sur ce val apaisé repose un peu son vol,
Pour ravir le rêveur et dérouler îa spire
Des espoirs embaumés que de ïom il aspire,
Croyant ouïr les voix de son enfance, et voir
Ses clairs matins passer dans la douceur du soir


LÉON DIERX.