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LA VIERGE


La Nuit sur l’Idole



Cest l’argent bleu qui luit sur les lacs
Dans le crépuscule de la lune.
C’est l’encens rare et l’irréel nard
Saphir et lapis d’eau et de brume
C’est le geste des chevaliers noirs
Au vol des blancheurs que l’ombre azure
Haussant en corps les tremblants hanaps
C’est l’air inconnu, l’été nocturne,
Et la clarté du ciel sidéral.

Du haut du chœur les grands rayons pâles
Tombent allongés au pied des murs
La nuit limpide aux lueurs bleuâtres
Pure comme une aube au mois d’élul
Glisse et descend du haut des vitrages
Tandis qu’au dehors les Arcturus
Font la nuit claire et les brises calmes,
Tout au haut des nefs, dans l’air du sud,
Les vitraux peints filtrent les étoiles

Tu scintilles. Tes yeux sont très purs,
Étoile qui vis ! et tes mains chastes !
Sus-je autrefois quel éternel flux
Vague avec lenteur en tes cils graves ?
Jusqu’à tes pieds, de hauts plis obscurs
Plongent agrandis dans l’ombre large
Et le Psalmiste, un doigt sur le luth
Épie en extase au ras des dalles
L’astral rayon de tes longs yeux nus

De tes yeux nus où la nuit diffuse
Éclaircit un peu d’air vespéral
Où vaguement s’exalte et fulgure
Un reste de gloire et d’or lilas
Reflets errants que le noir divulgue
Charmes lumineux aux nuls regards
Vers qui si calme, encor qu’éperdue,
Dans un frisson lent monte ma Foi
Ô Constellée aux yeux taciturnes !


P. L.



Annoday, — Imp. J. Royer.