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Nous avons marché jusqu’au soir
Jusqu’à la nuit venue
Vers l’Église inconnue.

Les rayons penchés ont envahi la plaine.
Les grands rayons se sont assoupis sur la plaine ;
Des chants sont montés aux Azurs pacifiques ;
Et dans les lointains éblouis, des haleines
Vespérales et purpurines sont montées
Pour accueillir la chute oblique du Soleil.

Alors notre âme s’est assise sur la mousse
À cause des nuages vermeils
Et parce qu’un doux parfum montait de la mousse,
— Un peu de jour mourant encore se désole ;
Et tu as murmuré des antiques paroles.

Alors le crépuscule s’est clos.
Le sentier qui fuyait s’est caché sous la mousse
La route s’est enfoncée dans la vase,
Et nous eûmes peur de l’heure passée.

Et nos âmes alors s’étonnèrent
D’être ainsi assises ensemble ;
Alors tes mains s’abandonnèrent
Alors tes mains
S’abandonnèrent.

Et puis nos âmes se désolèrent :
« Qui sait si de nouveaux matins
Reviendront, et si pour tous deux ensemble ?
Qui sait si des aurores roses ?
Ah ! que si nous allions encore nous endormir
Cette nuit dans l’enchantement des choses »

— Les nocturnes voix se sont tues
Et les fleurs écloses écoutent
Mais nous ne savons plus le chemin,
Nous avons perdu la route.

Tu fis un geste, avec ta main,
De silence, et tu dis : « Écoute —
Là-bas, les cloches de l’Église
Là-bas, les cloches de l’Qui sonnent ! —


ANDRÉ GIDE.