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HÉLÈNE, LA REINE TRISTE



Azur ! c’est moi !… Je viens des grottes de la mort
Entendre l’onde se rompre aux degrés sonores
Et je revois les galères dans les aurores
Ressusciter de l’ombre au fil des rames d’or.

Mes solitaires mains appellent les monarques
Dont la barbe de sel amusait mes doigts purs
Je pleurais ! Ils chantaient leurs triomphes obscurs
Et les golfes enfuis aux poupes de leurs barques !

Voici les conques profondes ! et les clairons
Sévères qui rhytmaient le vol des avirons ;
Le chant clair des rameurs enchaîne le tumulte,

Et les Dieux ! À la proue héroïque, exaltés
Dans leur sourire antique et que l’écume insulte
Tendent vers moi leurs bras indulgents et sculptés !


PAUL VALÉRY.





À Téodor de W.



Naïf, aux yeux à fleur de tête et grands ouverts,
Il a taché de sang le vol sacré du cygne ;
Mais il pleure, le Fou, le Pur…
Une procession lente de chênes verts
S’ébranle vers la nuit où va rougir le Signe.

Sur le lys qui descend d’avoir regardé Dieu
Ne prévaudront les roses ni les chairs fleuries :
Il sait par la pitié la Blessure, et le feu
Jailli des trous d’enfer par les sorcelleries.

Et la Femme aux yeux d’ombre en qui vivait l’effroi
D’avoir étreint dans ses genoux dressés le Roi,
Se prosterne entre ses cheveux de madeleine.

Sanctus et Hosanna vers le preux Parsifal
Qui marchant sur les fleurs dans le soir triomphal

Brandit à bout de bras vers le Graal la Lance !


P. L.


Bayreuth, 3 Août.