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COMME DEUX ÂMES-SŒURS…



Comme deux Âmes-Sœurs qu’enguirlande le Rêve,
La neige de leur cœur, pâlissante, s’élève
Ainsi qu’un hymne lent vers le Ciel. — Suppliants,
Les grands lys enlacés aux pétales brillants

Offrent au vent des nuits la lourdeur de leurs tempes ;
Et leur prière passe, ainsi que par les temples
S’égare un peu d’encens autour des grands piliers
Vers les Anges de bois qui sont agenouillés.

Ô dans la Nuit, ces deux Blancheurs voluptueuses
Qui se cherchent, dans l’ombre, au couvert des yeuses,…
Ô Narcissus, dont les délicates pâleurs
N’approchent encor pas l’étrangeté des leurs…

C’est le Rêve attendri des Ephèbes-Archanges,
C’est le brûlant parfum des voluptés étranges,
Où le cœur croît trouver un peu d’apaisement
Et l’oubli de Celui qui n’a pas de serment.

Puis, écoutez la voix majestueuse et calme
Qui, dans la Nuit d’argent, se développe, et clame :
« Venez à moi, les écœurés, les indolents,
Qu’un chant indéfini berce en ses rythmes lents,

Durant les longs baisers rendus aux bouches pâles :
Venez ; je vous dirai quelles morts — dans quels râles ! —
Trouvent les yeux mi-clos qui se ferment au jour,
Pour s’entr’ouvrir le soir aux ardeurs de l’Amour. — »

Une brise a pleuré dans les feuilles séchées. —
Abandonnant au vent leurs corolles penchées,
Et plus pâles encor, et plus dolents aussi,
— Ô lendemains d’aimer où l’on reste transi —

Fatigués de l’Azur où plane le Mystère,
Les Lys se sont courbés pour regarder la terre. —


MAURICE QUILLOT.