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Je jure que les Canadiens aiment les Français; que la mort du tyran Capet n'a indisposé que les prêtres et le gouvernement qui craignent la transplantation d'une guillotine en Canada. J'affirme que les Canadiens se feraient plutôt hacher que de tirer un seul coup de fusil sur des Français qui viendraient leur offrir la liberté; je dis plus, je dis qu'ils la recevraient avec reconnaissance et qu'ils se montreraient dignes d'en jouir par leur courage à la défendre. Il y a dans la seule province du Bas-Canada soixante mille Canadiens vaillants et robustes, et en état d'écraser, au moindre signal, toute la rapace anglaise qui n'excède pas (les troupes comprises) le nombre de 24,000 hommes.

Mais pour une plus grande certitude de succès, au cas qu'il plût à la République française d'affranchir ses frères, il serait très aisé, au moyen de personnes sûres, de faire répandre dans le Canada une adresse à la portée de tous les habitants où on exposerait au peuple les maux qu'il a soufferts depuis la cession; l'oppression du scélérat de gouvernement anglais; leurs frères inhumainement sacrifiés à ses soupçons et à sa vengeance, leur commerce monopolisé avec une coquinerie sans pareille; enfin l'absence des arts et belles lettres qu'on attribuerait à la politique homicide de l'Angleterre. À ce tableau on opposerait une peinture des avantages que le commerces et les lettres recevraient de l'ouverture des ports du Canada à toutes les nations; des douceurs qu'il y a à se faire la loi soi-même, sans être sujet au veto insolentissime d'un capricieux vaurien qui ferme la bouche à tout un peuple; des charges auxquelles les Canadiens participeraient sous une constitution libre; enfin, on leur promettrait la protection des Français, si, se levant comme eux de leur léthargie, ils voulaient courageusement faire succéder la souveraineté de leur nation à la souveraineté de George 3 (et le dernier, j'espère) qui, suivant les témoignages même de son parlement et de ses médecins, est un idiot, un non compos mentis. Mais il faudrait prendre garde de ne publier cette adresse qu'au moment même où des forces françaises seraient sur les frontières du Canada; car en la donnant trop tôt, on courrait le risque de voir s'éteindre dans l'intermédiaire l'ardeur qu'elle aurait pu faire naître.

Voilà, citoyen ministre, l'état et les dispositions des Canadiens. J'aurais pu particulariser les forces anglaises, en spécifiant les différents forts; mais il suffira d'observer qu'ils sont à peu près les mêmes qui existaient sous le gouvernement français, à l'exception de Québec, la capitale, aux fortifications de laquelle il a été ajouté depuis.

Si je n'ai pas mis d'ordre dans ma narration, je me flatte qu'au moins elle ne manque pas de candeur ni d'impartialité. Au cas que vous eussiez besoin de plus amples détails, je les donnerai de vive voix et je serai à