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e du Bas-Canada, la plus ancienne et la plus peuplée, la chambre basse est presque toute composée de Canadiens et l'on y compte 3 Français nés qui sont de vrais républicains. C'est avec plaisir que j'ai vu l'hiver dernier cette chambre, en opposition avec le gouvernement, ordonner que la langue statuante serait la langue française, étant celle de la majorité. Nonobstant le veto foudroyant opposé par le gouvernement, la chambre a tenu bon et a appelé au parlement d'Angleterre de ce sot veto. Quelle sera l'issue? ... On l'ignore. Mais il est fort à présumer que si le veto n'est pas levé, les Canadiens n'auront aucune répugnance à secouer le joug de leur tyran hébété.

Indépendamment de ce motif qui m'induirait à bien espérer des Canadiens, il y a en a une infinité d'autres qui se tirent de la manière oppressive dont ils ont été traités de tout temps par le scélérat de gouvernement anglais. La première année après la cession, on a vu des pères de famille, des citoyens de considération immédiatement pendus, sans la forme de procès sous le simple soupçon de non-royalisme et le sang de ces infortunées victimes qui coule encore dans quelques Canadiens, en demande vengeance. Des paysans ont été arrêtés et inhumainement fouettés, dont le seul crime était de n'avoir pu ranger du chemin leur voitures affaissées dans la neige sous une énorme charge, pour faire place à un officier anglais qui promenait une prostituée. Des propriétaires de maisons qui tenaient fortement à leur propriété pour y avoir reçu les derniers embrassements de leurs pères expirants, en ont été chassés par l'infâme Haldimand, sans aucune indemnité quelconque et les ont vu servir à l'ornement des avenues du château de cet homme impérieux. Des corvées de quinze jours ont fait perdre à l'artisan les moyens de subvenir aux besoins journaliers d'une famille. On a vu les Anglais en possession de toutes les charges lucratives tandis qu'à peine on en accordait quelques unes d'honoraires aux Canadiens. Enfin outre mille autres circonstances locales, les Canadiens voient avec la plus grande disposition à la vengeance leurs ports fermés à toutes les nations, l'Angleterre exceptée et leur commerce de pelleteries et de grains monopolisé par cette mère marâtre qui fixe à son gré le prix de ces objets et force le Canada de recevoir en retour ses marchandises et ses vivres.

C'est à cette disposition à la vengeance que les Américains, dans leur dernière expédition contre le Canada furent redevables de l'hospitalité qu'ils y éprouvèrent. Le major Brown n'avait qu'un petit nombre d'hommes avec lui et se trouvait sans vivres et sans argent, quand il reçut ordre du Congrès de s'avancer vers les frontières. À peine fût-il entré dans la colonie qu'il trouva partout des secours et des amis. Secondé par les Canadiens, il s'empara successivement des différents postes et bientôt les colonels Livengston, Duggan et Hazen commandèrent des corps considérables de miliciens canadiens :