Page:La Chasse des dames d’amour, avec la reformation des filles de ce temps, 1625.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11

plus que moy, & voila ce qui nous rend toutes deux eſgalement riches : Car depuis que le monde eſt hors de Paris, toutes les filles d’Amour ſont en deſroute : les vnes vont cherchant de nouueaux pigeons, ayant perdu ceux qui ſouloient nicher dans leur colombier, & les autres eſtallent leurs denrées en plein marché, ſi bien que la neceſſité contraint deſia les plus belles de donner pour vn morceau de pain la chair que nous ſçauons vendre ſi cherement à ces beaux fraizez.

Cardine.

Tu ne parle pas mal, ma fille, mais encore faut-il viure à quelque prix que ce ſoit, quoy que ie ſçache bien, comme tu viens de me dire qu’en l’abſence de ces gens d’eſpée, noſtre meſtier ne peut pas beaucoup valoir. Mais qui ferions-nous ? il faut prendre patience & en attendant mieux chaſſer à toute ſorte ce gibier.

Jacqueline.

Vos paroles me font ſouuenir de celles que i’ouys n’agueres en noſtre ruë : ie m’eſtois arreſtée à la porte d’vne mienne amie, quand ie vy venir vn homme de fort bonne mine, lequel ayant rencontré fortuitement noſtre ſœur, Et bien mon cœur (luy dit-il en termes que ie n’entends gueres bien) voicy vne pauure ſaiſon pour les pauures filles qui ſont en ruth. Certes ie vous plaints grandement, & ie voy bien qu’à ce coup tous limiers iront en queſte dans vos taillis, & que vous n’en