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Ie ſuis telle que vous m’auez faicte, & ce vous eſt vn plus grand blaſme de m’appeller putain, qu’à moy de l’eſtre. Vous n’ignorez pas qu’autre que vous ne m’a inſtruicte à faire l’Amour : mais c’eſt tout vn, puis que vous me croyez ſi meſchante, ie ſuis contente de ne l’eſtre plus, laiſſez-moy faire ſeulement. Ma fy auant qu’il ſoit demain nuict, ie ne ſeray plus auec vous : Car auſſi bien Guillemette ma grande amie m’a promis de me donner entrée dans la maiſon d’vne Dame, où ie paſſeray le temps à monter des rabats, & à trauailler en tapiſſerie, ou en linge, & poſſible à quelque autre meſtier.

Cardine.

Quoy ? ma fille, me voudrois-tu bien quitter maintenant que ie ſuis ſur mes vieux iours ? Eſt il poſſible que tu ne puiſſes endurer de moy des iniures que i’aduouë eſtre grande, mais qui te ſembleront excuſables, ſi tu viens à conſiderer que les vieilles femmes, comme moy, ſont d’ordinaire faſcheuſes & rudes à leurs enfans pluſtoſt de parole que d’effect. Ne penſe donc plus, mon enfant, à ce que ie t’ay dict, ny moins encore à laiſſer ma compagnie pour t’engager au ſeruice d’autruy. Tes merites te rendent digne d’eſtre ſeruie, au lieu de ſeruir : & d’ailleurs, où trouuera-t’on vne Beauté en qui la nature n’ait mis quelque defaut, que l’enuie meſme ne ſçauroit remarquer en toy. Car tu n’as les cheueux roux, ny le teint enfumé, ny le front