Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lxxiv
introduction, § x.

l’auteur, étant bien assuré que le comte de Foix ni surtout le pape n’ont parlé en vers provençaux, on se trouve en présence d’un document historique aussi valable que n’importe quelle chronique d’événements contemporains.

Il me semble indubitable qu’un tableau aussi vivant, et en somme aussi exact, a dû être tracé par un témoin. Je ne veux pas dire que l’auteur ait assisté personnellement aux débats qu’il a dépeints. Il peut y avoir assisté, mais le contraire est possible aussi. Nous ignorons, en effet, quelle était sa position sociale : si, comme il est probable, elle était assez humble, il se peut qu’il n’ait pas été admis à accompagner les acteurs du drame en la présence du pape et des prélats. Mais s’il n’était pas sur la scène, il était dans la coulisse, et il a été informé jour par jour de ce qui se passait. Avec un auteur comme le nôtre, qui expose les faits non pas selon leur importance réelle, mais selon l’impression qu’il en reçoit, on peut toujours être assuré que les faits qui l’intéressent vivement, il les a vus de près. Il était donc au temps du concile avec quelqu’un des seigneurs venus à Rome, probablement avec le jeune comte.

En effet, les négociations avec Rome ayant pris fin, nous voyons le fils du comte de Toulouse séjourner quelque temps encore à Rome, après le départ de son père, et notre poète sait beaucoup de choses sur ce séjour. Il sait les noms de deux des personnages qui accompagnaient le jeune Raimon[1], il sait ce qui se passe dans les entrevues de celui-ci avec le pape, et il nous le rapporte, sans doute en exagérant un peu les sentiments favorables du pape. Puis, lorsque le jeune comte se rend en Provence, qui lui a été réservée par le concile, il le suit étape par étape, notant

  1. V. 3675 et 3678.