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introduction, § x.

évêques qui dirigeaient la croisade eurent de la peine à l’empêcher de prêter une oreille favorable aux réclamations de trois seigneurs du Midi, les comtes de Comminges et de Foix et Gaston de Béarn[1], qui dès lors avaient été dépouillés d’une partie de leurs biens. En 1215, quand ces mêmes réclamations se produisent avec plus de solennité et d’énergie, le même Pierre de Vaux-Cernai convient, avec une douleur qu’il ne dissimule pas, qu’elles parurent fondées à plusieurs des prélats[2], et c’est ce que le poème confirme. Quant à l’opinion du souverain pontife, un autre historien nous la fait connaître, et nous montre le pape désireux de rendre au comte de Toulouse et à son fils les terres dont ils avaient été dépouillés, cédant toutefois à l’opposition presque unanime du concile[3]. Il n’est pas possible de souhaiter une confirmation plus décisive du rôle que le poète assigne au pape, rôle où, je le répète, tout est un peu grossi et mis en accord avec la conception générale de l’œuvre, qui appartient à l’histoire populaire et ne peut tenir compte des nuances délicates.

En somme, tout ce que nous pouvons contrôler, dans le récit du poème, paraît avoir toute l’exactitude qu’on peut attendre d’un écrit composé à une époque où ne régnaient pas les habitudes scientifiques de notre temps. Quand on a fait la part de la forme poétique employée par

  1. Voy. II, 150, n. 3.
  2. « ... Fuerunt ibi aliqui, etiam, quod est gravius, de prælatis, qui negotio fidei adversi, pro restitutione dictorum comitum laborabant. » Voy. le passage entier, II, 193, n. 2.
  3. « In eodem concilio papa .....comitem Sancti Ægidii, qui vocabatur Tolosanus, et ejus filium damnatos de hæresi videbatur velle restituere ad terras suas, quas eis catholici una cum nobili comite Simone Montisfortis, mandato Romanæ ecclesiæ, per Dei adjutorium abstulerant, et de ejusdem papæ licentia possidebant ; quod ne fieret, universum fere concilium reclamabat. » Guill. le Breton, 1215, Bouquet, XVII, 109 b.