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croisade contre les albigeois.

CCIII.

« Cela ne tardera guère, vous tous le verrez, [8075] que je reprendrai Toulouse et que vous l’occuperez, et vous protégerez également la richesse et la terre. — Sire, » dit Amauri de Craon, « pas de plaisanteries, car il nous reste encore à raser le plus grand bout de la peau[1]. Qu’il ne vous déplaise si je vous demande comment vous reprendrez la ville ? [8080] Ils ne sont point en détresse, ne souffrent ni de la faim ni de la soif. Vous ne sauriez les attaquer si souvent en un même jour que vous ne les trouviez hors des lices, dans le champ ; et vous n’arriverez jamais à les enfermer dans la ville. » Le cardinal répond : « Tant que vous les défendrez, [8085] Amauri, c’est que vous n’aimerez ni la sainte Église ni la justice. Je vous donne pour pénitence de jeûner demain au pain et à l’eau. C’est l’amour que j’ai pour vous qui me fait vous prier de ne pécher plus ; c’est Jésus-Christ qui vous mande, [8090] à vous et au comte de Soissons, de ne plus recommencer, de cesser de les défendre. — Sire, » dit Amauri, « lisez et vous trouverez que vous ne devez pas m’imputer à faute ce que j’ai dit : l’Écriture ne vous dit pas, la loi ne vous prescrit point de dépouiller à tort aucun prince temporel. [8095] Et si le comte Raimon perd actuellement son héritage, loyauté et

  1. On disait autrefois dans un sens analogue : « A l’escorcher la queue est pire, » ou « en la queue est li encombriers souvent », Le Roux de Lincy, Livre des proverbes, I, 175, 198.