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croisade contre les albigeois.

nous a rendu le chef, le légitime héritier [de la terre], [7945] le vaillant jeune comte qui apporte la flamme avec lui ! »

Le comte de Montfort, entendant ces cuisantes paroles, passa l’eau et vint à la grève[1] ; ses barons allèrent le recevoir. Le comte, riant, leur parle : [7950] « Sire comte, » dit Joris, « vous avez maintenant un compagnon qui apporte avec lui sang et glaive, flamme et tempête, et nous aurons à nous défendre au fer et à l’acier. — Joris, » dit le comte, « ne m’épouvantez pas : que celui qui ne sait se décider au moment critique, [7955] ne se hasarde pas à prendre l’épervier à la cour du Puy[2] ! Toulouse et

  1. Sur la rive gauche, comme on va le voir par la mention de l’Hôpital.
  2. Parce qu’il manquerait de décision, de hardiesse. C’était un usage qui du reste n’est guère attesté, jusqu’ici, que par des romans d’aventures, de proposer, dans les fêtes, un épervier comme prix de la beauté. L’oiseau, posé sur un perchoir, était à la disposition de toute demoiselle à qui son chevalier voulait l’offrir, pourvu que celui-ci fût prêt à soutenir les armes à la main la supériorité de sa belle. Ainsi dans l’Érec de Chrestien de Troyes (v. 559 et suiv.) :

    ... devant trestoute la gent
    Iert sor une perche d’argent
    Uns espreviers molt bien assis,
    Ou de .V. meues ou de sis,
    Li mieudres c’on porra savoir.
    Qui l’esprevier voudra avoir,
    Avoir li covendra amie
    Bele et sage, sans vilenie :

    S’il y a chevalier tant os
    Qui vuille le pris et le los
    De la plus belle desrainier,
    S’amie fera l’esprevier
    Devant touz a la perche prendre,
    S’autres ne li ose desfendre.
    Iceste costume en maintiennent,
    Por ce tuit chascun an i vienent.

    Le même usage est mentionné dans le Bel inconnu (v. 1568-1804), dans Durmart le Galois (v. 2015-36), dans Meraugis (p. 8-9), et dans le récit de la quête des règles d’amour, tel qu’il est conté, probablement d’après un poëme français perdu, dans le Traité de l’art d’aimer d’André le Chapelain (éd. Detmar Müller, 1610,