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croisade contre les albigeois.

pont, que les Français avaient conquise d’abord, du plus haut créneau, l’enseigne tomba dans l’eau, et le lion tomba sur la grève, dont tous ceux de la ville furent remplis de joie. Pour recevoir le comte sortirent les chevaliers, [7925] les barons de la ville, les bourgeois, le viguier, les dames, les bourgeoises, brûlant du désir de le voir : il ne resta pas une fillette à la maison. Le peuple de la ville, tous, grands et petits, regardent le comte comme fleur de rosier. [7930] On pleure de joie et d’allégresse par les places, les salles, les vergers. Au milieu de la joie générale, le comte descendit au moutier de saint Sernin, qui est vertueux et miséricordieux. Jamais il n’aima ni ne rechercha la compagnie des Français[1]. [7935] Les trompes, les cors, les cris des hérauts, les cloches, les sonnettes, qu’agitent les sonneurs, font retentir la ville, l’eau et la grève. Et au milieu de cette joie cinq mille hommes sortirent ; sergents et écuyers occupent la place ; [7940] légers à la course, ils s’élancent vers le siége criant à haute voix : « Ici Robin, ici Gautier[2] ! À mort, à mort les Français et les porteurs de bourdons ! Nous avons doublé les points de l’échiquier[3], puisque Dieu

  1. Le texte ne permet guère de décider si cette phrase s’applique au comte ou à saint Sernin. Fauriel a choisi la seconde alternative : la première paraît plus probable.
  2. Ce sont des noms français employés ici par dérision.
  3. Expression proverbiale qui est fréquente au moyen âge ; voyez-en l’explication et des exemples dans Raynouard, Lexique roman, III, 143. Il y a à la Bibl. nat., fr. 2000, fol. 50, un petit traité écrit à Tours en 1493 qui a pour titre : « Le compte des .lxiiij. poins de l’escequier doublé, par lequel compte on peut savoir combien il faudra de grains de fourment pour iceulx emplir, lequel traictié a translaté de latin en françois .... Robert du Herlin. »